Matérialismes trans

Matérialismes trans, sous la dir de Pauline Clochec et Noémie Grunenwald, Hystériques associéEs, 2021

1. Le livre et son contenu

Actes de la journée d’étude « Matérialismes trans » qui a eu lieu à l’ENS de Lyon le 30 mars 2019, l’ouvrage se découpe en contributions, dans une langue précise, parfois complexe à la fois militante et savante. Malgré cela, on lit une très claire volonté explicative du début à la fin. Les directrices de l’ouvrage expliquent la naissance de cette journée d’étude par l’agacement de voir les études trans s’éloigner de plus en plus du féminisme et la transitude (fait ou état d’être trans)[1] utilisée comme fétiche dans les théories queer. C’est donc sur un profond mécontentement de l’orientation théorique que prennent les études trans et la conviction de la nécessité d’une analyse matérialiste de la transitude, que se fondent les contributions de l’ouvrage. Dans la lignée d’un féminisme matérialiste, les auteurices proposent de définir un matérialisme trans, comprenant la transitude non comme une expérience individuelle et relevant du choix, mais comme une appartenance socioéconomique observable et quantifiable (la transition). On pense à Transfuge de sexe d’Emmanuel Beaubatie[2], qui participe d’ailleurs à l’ouvrage. À travers différents prismes, l’ouvrage propose de réfléchir et de définir un matérialisme trans. Si le pluriel s’impose pour représenter un mouvement hétérogène, trois grands principes jalonnent ce faisceau de pensées : Tout d’abord, antinaturaliste, il pense le sexe comme une appartenance de classe liée à une position sociale. La primauté du genre dans la construction du sexe, permet alors de penser la transitude. Emmanuel Beaubatie parle alors de « transfuge de sexe ». Il est opposé aux théories queer et veut dépsychologiser le fait trans. Enfin, comme les féminismes matérialistes, son projet est résolument révolutionnaire, dans la pratique comme dans la théorie.

[2] Emmanuel Beaubatie, Transfuge de sexe. Passer la frontière du genre, La Découverte, 2021

2. Un livre qui pousse à toujours plus se questionner

Les positionnements sont toujours clairs, honnêtes dans leurs imprécisions, et imposent une réflexion salutaire.   L’ouvrage dans son ensemble porte une exigence intellectuelle et rappelle que les mots « trans », « matérialisme », etc. ne sont pas des totems, mais des concepts auxquels nous devons réfléchir collectivement. Il rappelle également que les questions relatives à la construction du sexe et du genre sont loin d’être résolues, et même centrales dans les critiques que l’ouvrage portent aux théories queer et aux mouvements féministes. Un livre à lire pour apporter de l’eau à nos moulins.  

3. En bibliothèque

Le bruit éditorial est très important autour des féminismes (beaucoup d’ouvrages sur le bien-être, psychologie, le témoignage, etc.) Ce foisonnement oblige à une veille redoublée, pour assurer à tous les publics de trouver des ouvrages de qualité sur les questionnements qui les occupent. Toutes les grandes et petites maisons d’édition ont désormais leur collection dédiée. Cet ouvrage marque un jalon dans la pensée féministe, sa publication un autre, et sa présence en bibliothèque un supplémentaire.
En bibliothécaire, on pourrait opposer une réticence à l’achat de ce type d’ouvrages, très pointus et publiés par des maisons de microédition. Son succès éditorial (l’ouvrage paru en nombre limité, obligeant la maison d’édition à un deuxième tirage, très rapidement après sa sortie) et auprès des publics reflète les besoins intellectuels d’un public de plus en plus pointu.


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