Egale à égal #4 : la santé, autre territoire d’inégalités

Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ?, de Muriel Salle et Catherine Vidal,  rejoint aujourd’hui notre feuilleton Egale à égal.

L’espérance de vie des femmes est plus grande que celles des hommes, c’est un fait. Pourtant, les femmes passent plus d’années en mauvaise santé, à différents stades de la vie et pour de nombreuses pathologies.

Quelles pistes pour réduire les inégalités femmes / hommes dans le domaine de la santé ?

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La santé n’est plus seulement un bien-être physique. C’est un épanouissement du corps et de l’esprit et elle inclut également les conditions de vie. Elle est donc appréhendée en 3 perspectives:

  • biologique
  • psychologique
  • sociale

Il est alors nécessaire de considérer l’articulation entre les différences anatomiques, biologiques et les autres (environnement économique, socio-culturel, etc.).

Maladies féminines, maladies masculines ?

Si la mortalité maternelle est quasi-nulle, les femmes sont de plus en plus victimes de maladies ou addictions jusqu’alors cantonnées à la sphère masculine. Avant les années 1960, le corps médical ne fait cas ni du tabagisme, ni de l’alcoolisme féminins. Aujourd’hui, les comportements à risque ne sont plus uniquement masculins, et l’écart femmes / hommes tend à la diminution.

Les normes sociales sont donc un obstacle à une prise en charge efficace, tout comme les stéréotypes liés au genre.

Monde du travail

Les études portant sur la pénibilité au travail concernent les secteurs professionnels masculins:  un salarié du bâtiment (port de charges lourdes) sera légitime dans la reconnaissance du préjudice subi, alors qu’une hôtesse de caisse atteinte de troubles musculo-squelettiques (TMS) aura plus de difficultés à faire reconnaître ce préjudice.

Autre point noir du monde du travail : le sexisme et le harcèlement. Au contact du public, 1 femme sur 4 (mais 1 homme dur 10) déclare avoir été agressée. Par ailleurs, les hommes sont agressés physiquement par leurs collègues alors que les femmes sont harcelées (moralement ou sexuellement), intimidées. A cela s’ajoute, la violence du monde du travail, le plafond de verre et la charge mentale.

Enfin, la précarité touche majoritairement les femmes. A titre d’exemple, 70% des travailleurs pauvres sont des femmes.

Un paradoxe: mieux suivies mais moins bien soignées

Les femmes ont un rapport privilégié dans l’accès aux soins: elles restent prescriptrices pour leur entourage (suivi médical des enfants, de leurs parents âgés) et apprennent assez tôt les comportements de prévention, notamment gynécologique.

Cependant, leur prise en charge est moins bonne que pour les hommes: les maladies cardio-vasculaires – considérées comme masculines – sont moins bien diagnostiquées; le renoncement aux soins, pour raison financière ou par manque de temps.

Un héritage médical qui a bâtit un sexe faible

Le XIXe siècle a contribué à la normalisation de certaines pathologies féminines, essentiellement celles liées aux règles, à la grossesse et à l’accouchement. Cet héritage médical a abouti à une reconnaissance récente de l’endométriose.

Plus tard, les mouvements féministes soulèvent des questions liées à la santé:

  • le Women Health Movement (WHM) défend le droit à la contraception et à l’avortement
  • la parution du livre Our Bodies Ourselves (traduit en 1979 : Notre corps nous-mêmes), livre critique sur les gynécologues, porteurs d’un discours moralisateur et paternaliste sur les patientes

La prise en compte d’une thématique « Genre et santé » est considérée depuis une vingtaine d’année par les institutions internationales: le département « Femmes, genre et santé » de l’OMS; le projet European Gender Médicine; le premier rapport officiel sur la santé des femmes en France (2010 !), etc.

D’après le Haut Conseil à l’égalité, les femmes représentent  64% des personnes qui reportent des soins ou renoncent à consulter, soit près de 9,5 millions de femmes

Une politique de santé volontariste de lutte contre les inégalités de santé

Une politique de santé publique efficace passe par:

  • la formation des soignant.es
  • la formation des chercheurs et chercheuses (exemple de l’ Université de Stanford)
  • la formation des patient.es
  • la garantie de l’accès aux soins des femmes précaires
  • la garantie de l’accès aux soins des femmes victimes de violence

Pour conclure, la réussite d’une telle politique passe par une meilleure connaissance des spécificités biologiques, une identification des situations précaires et des discriminations liées au genre.

Œuvrer pour un système de santé égalitaire ne repose pas uniquement sur professionnel.les de santé. Il s’agit d’inclure la situation générale des femmes: place dans la société, dans le monde du travail, etc.

« Il s’agit d’impulser et de promouvoir une culture de l’égalité entre les sexes. Veillons… »                                                                                        M. Salle et C. Vidal

Muriel Salle est maîtresse de conférences en histoire (Université Claude Bernard – Lyon I). Ses recherches portent sur l’histoire des corps et de la médecine. Elle est membre fondatrice de l’ARGEF (Association de Recherche pour le Genre en Education et Formation)

Catherine Vidal est neurobiologiste, directrice de recherche honoraire à l’Institut Pasteur de Paris, et membre du Comité d’éthique de l’Inserm, où elle est co-responsable du groupe « Genre et recherches en santé »

 

Aller plus loin:

La pauvreté selon les sexes

L’Observatoire des inégalités

Le podcast de l’émission Priorité Santé, sur RFI, intitulé Femmes et santé

Genre et santé: les 6 films coproduits par l’INSERM

 


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