« Roms et riverains » : pour en découdre avec les stéréotypes

« Pour éviter race, mot par trop malsonnant, on admet plutôt que la «question rom » est une affaire de culture. De fait, la culture rom, sorte d’errance sans but dans un paysage d’ordures, de boue et de rats, est difficilement compatible avec « la nôtre ». (…)» L’entrée en matière de la quatrième de couverture donne le ton. Dans leur ouvrage collectif Roms et Riverains. Une politique municipale de la race (éditions La Fabrique, 2014), Eric Fassin, Carine Fouteau, Serge Guichard et Aurélie Windels propose une analyse politique de « la question rom ».

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Couverture du livre

Des Roms à la « question rom »

La première partie propose un rapide éclairage sur l’emploi du terme générique Roms, désignant au départ une « minorité transnationale » originaire de Roumanie et de Bulgarie (selon les termes de l’Union européenne). La généralisation du mot relève d’une double dynamique militante et institutionnelle positive, à l’œuvre par exemple dans la Décennie de l’inclusion des Roms, lancée en 2005 dans plusieurs pays européens.

Mais dans le discours médiatique, « la question rom porte sur un sous-ensemble minime de Roms (…) les Roms des terrains vagues (…) [qui] d’ailleurs, ne sont pas forcément Roms. ». « On peut donc se demander si le critère social ne l’emporte pas sur le culturel, la racialisation visant la pauvreté avant toute autre différence », remarque Eric Fassin.

Le sujet du livre réside dans l’étude de cette « question rom », les Roms étant appréhendés ici « comme une minorité, caractérisée par l’expérience de la discrimination. » C’est donc de la différence de traitement et non d’une altérité présumée dont il est question.

« Ne pas prendre l’objet de sa phobie pour sa cause »

« Les Roms s’intègrent mal dans la société française » estiment 93% (!) des personnes interrogées pour un sondage BVA du Parisien le 28 septembre 2013. Le chiffre témoigne de la vitalité des stéréotypes, alimentés par la mythologie des « riverains en colère », analysée dans le livre. « Mais comment pourrait-il en être autrement, quand on est chassé de squat en bidonville ? ». Les auteurs préfèrent d’ailleurs « parler de bidonvilles plutôt que de campement, pour signifier la précarité de l’habitat sans suggérer quelque nomadisme, sinon forcé. » Il s’agit en effet de se détourner d’une optique culturaliste erronée pour se pencher sur une analyse politique de la « question rom » et mettre en lumière des conditions de survie difficiles et des discriminations nombreuses.

Les auteurs évoquent ainsi le refus de nombreuses municipalités de mettre en place le raccordement à l’eau et le ramassage des ordures ménagères – pourtant  prévus par le code général des collectivités territoriales, y compris pour les habitations illégales, pour prévenir les risques d’insalubrité (p.75). Conséquence de cette situation, le démantèlement des bidonvilles apparait comme la solution pour évacuer les problèmes d’hygiène, attribués à un supposé « mode de vie roms ».

Et les bibliothèques dans tout ça ?

S’il n’est pas directement question de bibliothèque dans l’ouvrage, les difficultés que peuvent rencontrer les actrices et acteurs sociaux et culturels, des associations comme l’Asefrr ou le Perou,  intervenant sur les bidonvilles auprès des Roms sont évoqués.  Ainsi, une association culturelle  proposant la veille de noël un spectacle et un goûter, destiné à favoriser les rencontres entre habitants de la ville et du bidonville, s’est vu opposé l’annulation de l’événement par arrêté de la mairie, au motif de conditions d’hygiène insuffisantes (p.90 à 93).

Au-delà du livre, des pistes d’action et de réflexion

Quelques pistes bibliographiques : le « Repères » Roms et Tsiganes, ou encore Roms, Tsiganes et Gens du voyage, aux éditions Mare et Martin. Si vous souhaitez poursuivre la réflexion, une conférence débat sur l’ouvrage Roms et riverains aura lieu à la bibliothèque municipale de Lyon le 27/11/2014, dans le cadre du festival Migrantscène.

La ligue des droits de l’homme a également publié en 2014 un guide pratique « Les Roms ont des droits » à l’usage des collectivités territoriales et des acteurs locaux. Ce guide propose des pistes d’actions pouvant concerner les bibliothécaires. On peut lire dans le Chapitre 1 que « Les préjugés et les réactions racistes peuvent prendre le pas sur le respect des droits de ces personnes. Le rôle de la collectivité est d’apaiser ces tensions, d’éviter tout débordement et de veiller à ce que les droits et les devoirs de chacun priment sur d’éventuels stéréotypes. » Par l’organisation d’une bibliothèque vivante par exemple ?


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