Les questions LGBT+ à IFLA 2022

Par Philippe C.

L’un des sujets qui m’intéressent particulièrement actuellement est l’accueil des personnes LGBT+ en bibliothèque et j’ai donc été heureux de pouvoir participer, grâce à une bourse attribuée par le CFIB, aux différents événements sur ce sujet qui ont eu lieu pendant le congrès 2022 de l’IFLA à Dublin.

Vous le savez, le congrès de l’IFLA est un grand événement sur trois jours que l’association organise tous les ans pour faire le point sur les grands enjeux professionnels, permettre aux collègues de se rencontrer, découvrir ce qui se fait ailleurs et réfléchir aux méthodes et solutions à apporter. Pour peu que vous vous débrouillez un minimum en anglais (pas besoin d’être bilingue, c’est loin d’être le cas pour une grand partie des congressistes), c’est une expérience extraordinairement riche à vivre au moins une fois dans sa vie.

Pour revenir au sujet qui nous occupe, j’ai donc suivi les activités organisées par le groupe d’intérêt spécial LGBTQ Users. Les « groupes d’intérêt spécial » (ou SIG : special interest groups ) sont un dispositif qui permet en quelque sorte à l’IFLA de « tester » l’intérêt d’une thématique auprès de ses adhérents et adhérentes. Si un SIG réussit à rester actif pendant plusieurs années et à réunir suffisamment de membres, il peut devenir une section à part entière.

Le SIG sur les usagers LGBT a été créé en 2013 au congrès de Singapour (un pays dans lequel l’homosexualité était encore à l’époque illégale) et a eu depuis une activité continue, notamment l’organisation de sessions à chaque congrès et l’alimentation d’un blog mettant en lumière tous les mois une initiative, un service, une association sur le sujet.

J’ai tout d’abord participé au « business meeting«  du groupe. Cette réunion de travail ouverte à tou·tes dans le cadre du congrès a rassemblé une trentaine de participants et fut l’occasion de revenir sur les différentes activités du groupe, notamment sur son projet de « guide des bonnes pratiques d’accueil des publics LGBT+ en bibliothèque ». Ce projet est particulièrement ambitieux dans un contexte aussi multiculturel que celui de l’IFLA et compte-tenu de la diversité des réalités professionnelles des collègues travaillant partout dans le monde. Il faut donc que les recommandations de ce guide puissent être adaptées à ces différents environnements, sans mettre en danger ni les usagers, ni les bibliothécaires.

Un autre point important de cette réunion a été le besoin d’identifier les ressources disponibles en ligne et de créer du lien entre professionnel·les intéressé·es par ce sujet. Plusieurs collègues travaillant dans des pays très conservateurs ou dans lesquels l’extrême-droite est puissante ont fait part de leurs difficultés à travailler sur un accueil inclusif et sur la visibilisation des questions LGBT+ dans leurs établissements. Ces échanges ont soulignés une nouvelle fois,l’intérêt des congrès en présentiel et des rencontres interpersonnelles qu’ils permettent. C’est d’ailleurs pourquoi le SIG a également organisé un moment convivial pendant le congrès.

Au-delà de ce temps de travail, le groupe a également organisé une conférence avec deux interventions, dont la présentation de la démarche très aboutie de la bibliothèque municipale de Yarra en Australie qui a notamment mis l’accent sur le recrutement de personnes trans et mène de nombreuses démarches de visibilisation des personnes LGBT+, notamment par l’usage de l’écriture inclusive, l’attention portée à l’usage des pronoms appropriés pour s’adresser aux usagers, l’accueil d’événements communautaires comme le jour du souvenir des victimes de la transphobie, une étude approfondies des collections en utilisant un logiciel particulier etc.

Enfin, le groupe a également organisé une visite des lieux de mémoire LGBT de la ville et une rencontre autour des Irish Queer Archives (https://en.wikipedia.org/wiki/Irish_Queer_Archive), un fonds photographique unique au monde abrité par la bibliothèque nationale irlandaise. Pour commencer, Elisabeth M Kirwan, en charge de ces collections, avait donné rendez-vous dans un café afin de pouvoir rappeler au groupe l’histoire des personnes LGBT+ en Irlande. Elle a notamment souligné la rapide bascule qu’a connue l’Irlande au début du XXe siècle lorsque le pays est passé d’une société très religieuse et conservatrice à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2016. Elisabeth a ensuite proposé une rapide déambulation dans la ville qui nous a permis de voir quelques lieux de la mémoire LGBT+ de la ville et notamment le site du premier projet d’archives associatives LGBT+. En conclusion de cette matinée déjà riche d’informations, nous avons pu visité le fonds LGBT+ de la photothèque nationale d’Irlande.

Elisabeth M Kirwan a détaillé la façon dont la bibliothèque nationale avait inscrit les questions d’inclusion dans son plan stratégique : ce fut selon elle un levier essentiel pour mobiliser les moyens nécessaires au traitement et à l’entretien de ce fonds et elle espère que cet axe de travail sera reconduit dans le prochain plan stratégique, actuellement en discussion. Comme souvent, il faut constamment rester vigilant·es pour que ce genre de projets, régulièrement attaqués par les forces réactionnaires, ne soient pas remis en question ou sabordés.

L’une des clefs de la réussite du projet Irish Queer Archives est l’étroite collaboration de la bibliothèque avec les associations LGBT+. Au-delà de la constitution du fonds, elle a également permis l’identification des personnes apparaissant sur les photos et le recueil de leur consentement à être ainsi identifiées, mais aussi une riche réflexion sur la façon de valoriser pertinemment ce fonds et de le rendre accessible à toutes et à tous.

Ces archives sont donc un exemple très intéressant de collaboration fructueuse entre une institution qui apporte son expertise en matière de conservation et de communication des collections et des organisations militantes qui apporte leurs documents et leurs connaissances très fines des enjeux politiques et sociaux liés à ce fond.

Je suis donc revenu de ce congrès plus riche d’idées et d’exemples sur ce qu’il est possible de faire en bibliothèque pour favoriser l’inclusion des personnes LGBT+ et surtout plus motivé que jamais pour faire avancer ces questions !


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