Retour sur la Boîte à Outil n°50 sur le genre en bibliothèque aux Presses de l’ENSSIB.

En novembre paraissait l’ouvrage Agir pour l’égalité, questions de genre en bibliothèque dans la collection Boîte à outil des Presses l’ENSSIB. Sous la direction de Florence Salanouve, cet ouvrage inscrit les questions de genre dans une collection à destinations des professionnel.le.s, une grande première pour cette collection qui fait référence dans le monde des bibliothèques.

Un ouvrage qui apporte des réponses à la fois théoriques et pratiques semblait inévitable pour aborder ce sujet. Il ressort de cet ouvrage un réel besoin d’interroger les fonctionnements actuels des bibliothèques pour mieux avancer sur les questions de genre. Afin d’y parvenir, cette boîte à outils regroupe des outils pratiques pour évaluer et impulser des politiques de lecture publique sensibles au genre.

Comment les professionnels des bibliothèques se sont emparés de ce thème?

La première partie revient sur l’évolution théorique et historique du genre en France et particulièrement dans le monde des bibliothèques. C’est l’occasion d’une définition des termes nécessaires afin de donner notamment des arguments précis qui peuvent être utiles en cas d’opposition de principe ou de simple interrogation face au sujet. Cette partie souligne la marge de progression encore existante pour permettre aux femmes d’intégrer des postes de direction dans un métier pourtant très féminisé comme le démontre l’article d’Anne Marie Pavillard qui retrace l’ouverture progressive du métier de bibliothécaire aux femmes, sous couvert d’arguments souvent misogynes à la fin du XIX siècle et au début du XX siècle. Les articles précieux de Réjane Sénac, de Chloé Jean et les entretiens avec Camille Hubert et Thomas Chaimbault-Petitjean, permettent d’interroger la notion d’engagement et celle également importante de neutralité au sein d’une profession marquée par une exigence d’objectivité.

L’importance centrale des collections

Une seconde partie se penche sur la gestion des collections. Florence Salanouve souligne que les classements sont le reflet historique, sociologique, intellectuel des bibliothécaires (souvent hommes) qui les ont créés. Aussi, comment “corriger” certains biais de représentations que les classements peuvent comporter, à l’image de la DEWEY qui classait, jusqu’en 1965, les ouvrages sur l’homosexualité au même niveau que les “déviances sexuelles”? Au contraire, faut-il penser une certaine historicité de ces classements, les rendre visibles afin de mieux montrer comment s’est construite historiquement la bibliothéconomie moderne? 

Deux articles d’Annie Metz et de Nathalie Clot reviennent sur la mise en place de deux collections d’archives incontournables: la bibliothèque de Marguerite Durand et le Centre d’Archives du Féminisme d’Angers. On notera le combat qu’ont dû mener les bibliothécaires, les militant.e.s et les usager.e.s pour maintenir ouverte la bibliothèque Marguerite Durand en 2017, alors que la Ville de Paris proposait son intégration au sein de la bibliothèque Historique de la Ville de Paris (BHVP), au risque d’invisibiliser cette collection particulièrement exceptionnelle.

Petit regard vers l’international, avec un focus de Camille Hubert sur un partenariat entre l’Openbare Bibliotheek d’Amsterdam et l’association International homo/lesbian Information Center and Archive (IHLIA).

Dans et hors des bibliothèques : des actions pour tous.tes !

La troisième partie revient sur des actions qui s’inscrivent dans une démarche sociale, éducative et urbanistique. Les bibliothèques s’inscrivent désormais dans un ensemble plus vaste de politiques publiques qui dépassent la bibliothéconomie. Or, le genre peut être le catalyseur de ces expériences, et la bibliothèque devient alors le lieu central du débat public sur les questions de genre. 

Le réseau des médiathèques de l’université de Versailles Saint Quentin en Yvelines est devenu un lieu de collaboration pour la mission parité-égalité de l’Université. Un ensemble d’actions permettent de sensibiliser les étudiants sur ce sujet devenu incontournable dans le débat actuel.

Chloé Jean a effectué son mémoire de conservatrice de l’ENSSIB sur les bibliothèques militantes et associatives LGBTQIA+. Ces bibliothèques et centres d’archives ont des pratiques différentes de celles présentes dans les bibliothèques institutionnelles (universitaires ou municipales). A ce titre, elles sont d’excellents sujets d’études pour analyser comment des militant.e.s réinventent  le lieu de la bibliothèque. 

Carole Renard revient sur une expérience menée à la Bibliothèque Départementale de l’Hérault avec le collectif des Sans PagEs qui organise régulièrement des ateliers participatifs en bibliothèque afin de visibiliser les femmes sur Wikipédia. Ce travail de longue haleine (le collectif a désormais 5 ans) permet de sensibiliser à un matrimoine souvent invisibilisé.
Enfin, Aénor Carbain revient sur l’inscription des bibliothèques dans l’espace public: les bibliothèques sont-elles des lieux si neutres qu’on le croit? A partir du constat que l’espace public est pensé par et pour les hommes, et au regard des actions menées depuis plusieurs années par des urbanistes sensibles à cette question du genre, comment faire du lieu bibliothèque un espace libéré des stéréotypes de genre? cette question soulève autant des interrogations quant à l’aménagement physique des bibliothèques qu’à l’organisation de leurs collections (politique documentaire, médiation qui est faite autour de la question…).

Pour aller plus loin :

  • Le Centre Hubertine Auclert a réalisé un jeu de rôle “sceptique/anti-sceptique” afin d’apporter des outils de manière ludiques pour aider les porteurs/porteuses de projets sur l’égalité pour lutter contre les idées reçues. 
  • L’ouvrage propose un mémento très visuel, imaginé comme une BD dessinée par Magalie Le Gall pour bien mener un projet permettant de prendre en compte la question du genre en bibliothèque.
  • On retrouve naturellement un lexique et une bibliographie en fin d’ouvrage. 

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