Colloque Lutte contre les violences faites aux femmes : les droits des femmes à l’épreuve des crises

La ville de Strasbourg a organisé par la ville le 23 novembre dernier son colloque annuel sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Cette année, c’était le covid qui a inspiré la thématique, Les droits des femmes à l’épreuve des crises. En effet, comme rappelé à de nombreuses reprises par les intervenant·es lors de la journée, la crise du covid a dégradé la situation des femmes : violences économiques, puisque de nombreux métiers de « première ligne » sont essentiellement féminins, et que dans les couples hétérosexuels, ce sont elles qui se sont occupées des enfants confinés ; violences physiques et morales, comme on a pu le constater avec l’augmentation des signalements pour violences conjugales (40% lors du premier confinement, 60% lors du deuxième). 

Ce colloque a été organisé par la ville de Strasbourg, en partenariat avec de nombreuses associations : le planning familial, SOS femmes solidarité, Ru’elles, la Cimade… Mais également Osez le féminisme et le Mouvement du nid. La présence de ces associations implique des discours abolitionnistes, transphobes ou racistes – qui ont été entendus lors des précédentes éditions du colloque. Cette année cependant, la parole était globalement plus mesurée, et certains sujets n’ont pas du tout été abordés (transidentité, voile, …)., au contraire de l’abolitionnisme. 

Leçons féministes d’une crises / Najat Vallaud-Belkacem

Pour Najat Vallaud-Belkacem, la crise du covid a eu un impact fort sur la place des femmes, notamment dans les pays pauvres où les femmes sont moins indépendantes et plus précaires : l’absence de compte bancaire signifie l’impossibilité de recevoir des aides financières ; la privation de nourriture et de soins au profit des hommes augmente les décès maternels et néonataux ; la fermeture des écoles fait augmenter les grossesses non désirées – surtout précoces -, les mutilations génitales et les violences dans leur ensemble. De plus, les métiers du soin donné à autrui (souvent appelés métiers du care), bénévoles ou salariés, sont souvent réalisés par les femmes, qui sont donc les premières à tomber malade – et à subir l’ostracisation. 

Les plans de relance internationaux oublient souvent les femmes : à l’ONU par exemple, le plan  global ne possède aucun alinéa à leur sujet. Seul le fonds de l’ONU sur les populations évoquent cette problématique.

Najat Vallaud-Belkacem évoque ensuite le harcèlement en ligne : les femmes en sont les premières victimes, quel que soit leur bord politique. Elles sont donc nombreuses à quitter les réseaux sociaux, ce qui fait encore baisser la place des femmes dans l’espace public. 

État des lieux : crise sanitaire, quelles menaces pour les droits des femmes en Europe ? / Amandine Clavaud

Amandine Clavaud présente les menaces sur les droits des femmes en tant de crise comme un problème circulaire. En effet, elles sont absentes des différentes instances qui font de la gestion de crise : dans les médias, plans de relance, instances d’aide à la décision,… fait baisser leur état de santé : santé mentale, risque de violences, manque d’accès aux droits sexuels et reproductifs, etc. En plus de cela, l’articulation des temps de vie avec les tâches ménagères et le télétravail crée une précarité économique et sociale, ce qui explique leur absence dans la gestion de crise.

Femmes providentielles mais femmes invisibles et sous payées / Rachel Silveira

Avec la crise du covid, la société se rend compte du rôle essentiel des femmes notamment avec les métiers du care : on se souvient des applaudissements lors du premier confinement pour les soignant·es, même la plupart de ces métiers sont toujours dévalorisés. Pour Rachel Silveira, « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur leur utilité commune.» 

Pourquoi revaloriser ces métiers ? Il ne s’agit pas uniquement d’augmenter les salaires, mais aussi de reconnaître le travail des femmes.
Comment le faire ? En appliquant la loi de 1982 : à travail égal, salaire égal. Mais il faut aller plus loin : à travail de valeur égale, salaire égal. Le management est aujourd’hui de plus en plus valorisé, quand les métiers de service et de soin le sont de moins en moins.

Il faut une reconnaissance des diplômes, des technicités, de toutes les responsabilités, mais aussi des charges physiques et nerveuses. 

La précarité des femmes tient des salaires inégaux pour un travail égal, mais aussi d’autres facteurs : les temps partiels imposés, les horaires atypiques, le temps de travail mesuré en actes, et la difficulté du déroulement de carrière.

Table ronde à quatre voix / Animée par Anna Matteoli

Suite à cette table ronde, deux questions ont été posées :

  • Suite à la crise du covid, des garde-fous existent-ils pour que la situation des femmes ne se dégrade pas lors d’une prochaine crise ?

Les intervenantes évoquent plusieurs possibilités : continuer la lutte, partager les infos ; faire pression sur la politique publique (pour demander par exemple que des données genrées soient collectées lors des enquêtes publiques) ; élire des gouvernements progressistes ; réunir les ministres des droits des femmes au niveau européen voire international ; former les décideurs. 

La question des droits des femmes est une question sociale. Porter une politique féministe ne peut pas suffire sans porter également la lutte des classes.

  • Quelles sont les actions simples pour améliorer les droits des femmes de manière structurelle ?

Le point de départ de toutes les actions doit être l’éducation. Aussi, faire signer des propositions aux candidat·es et faire des actions en justice s’iels ne les respectent pas est une solution évoquée. Enfin, la place importante des syndicats dans les luttes féministes est mise en avant, avec un mot d’ordre : syndiquez-vous !

Table ronde : Nouvelles dynamiques partenariales et retours d’expériences dans la prise en charge des femmes victimes de violences / animée par Françoise Poujoulet

Pendant le premier confinement, le 3919, numéro pour les femmes victimes de violence, a enregistré 45 000 appels, dont 29 000 en avril – soit 3 fois plus d’appels que d’ordinaire.

Il y a cependant eu pendant cette période une continuité de l’action des services sociaux et des associations, comme par exemple : 

  • un plan de lutte contre les violences faites aux femmes en période de confinement a été mis en place par le gouvernement depuis le 30 octobre 2020,
  • l’association SOS femmes solidarité a mis en place de nombreuses places d’hébergement d’urgence, surtout dans des hôtels. Entre 60 et 80 femmes et enfants en situation d’urgence ont pu bénéficier de ce service. La question des repas et du linge se posait, et c’est l’association qui a mis en place une buanderie et une cuisine dans leurs locaux. Il y a également eu la mise en place d’une continuité pédagogique, tant en termes de matériel (accès à des ordinateurs, à internet, à des imprimantes, etc.) que de formation (informatique, français langue étrangère, etc.)

Anne-Cécile Mailfert, dans son intervention Quelles perspectives pour les droits des femmes dans le « monde d’après » ?,  fait en quelque sorte une conclusion de la journée. Celle-ci a été l’occasion de se rendre compte que nous évoluons dans un monde d’hommes. Quatre points fondamentaux sont à retenir en ce qui concerne les violences sexistes : le caractère massif de ces violences, la cristallisation de ces problématiques en temps de crise, le monde de violences qui est légué aux enfants… Mais également l’espoir de démocraties qui donneraient leur place aux femmes.

Les actes du colloque seront disponibles à la Médiathèque Olympe de Gouges à Strasbourg. 


Publié

dans

, ,

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *