Depuis le 5 octobre et jusqu’au 31 décembre, la bibliothèque de la Part-Dieu présente l’exposition En Corps Elles dans le cadre d’un automne consacré aux conditions de vie des femmes et à l’histoire des luttes féministes sur l’ensemble du réseau de la BmL et de la métropole.
En Corps Elles : une exposition sur les corps dominés, les corps libérés, les corps performés
Longtemps le corps féminin a été considéré comme dangereux et dégoûtant. Le lexique et les imagiers consacrés aux figures féminines dans les récits anciens, la mythologie, les fictions, les fables ou les essais sont le plus souvent méprisants. Un ensemble de manuscrits, de livres anciens, de gravures et de tableaux présentés dans l’exposition retracent des millénaires de construction sociales rabaissantes. On peut notamment observer un manuscrit sur parchemin enluminé de Missel de Paul Beye (1450) ou une incroyable illustration du Décret de Gratien (1350) présentant une « femme nue chevauchant un monstre phalloïde« .
De ce corpus ancien émerge des œuvres contemporaines : elles ne sont pas présentées dans un ordre chronologique mais conjointement. Cette juxtaposition permet d’observer à la fois une continuité dans l’iconographie représentant les femmes et une rupture lorsque les femmes s’emparent de l’image véhiculée par leurs corps. Leur corps réinvesti par leur propre puissance artistique, les femmes présentent alors la colère, l’indignation et la force. Ces émotions et cette approche physique, et non plus théorique, du corps n’auraient pu être présentées dans un ordre chronologique : s’il y a bien une continuité, c’est un magma, une ébullition, de normes renversées, de relations réinventées et d’expériences nouvelles qui bouleverse l’ordre établi.
Une série d’ouvrages du XVème siècle, sorte de guides méthodologiques pour « l’embellissement du corps féminin », puis plus loin des affiches destinées aux petites filles (équipe Alain Fournier, graphistes qui ont travaillé pour le service de l’Information de Vichy) montrent combien l’assignation des femmes au foyer a été, et demeure, un long continuum. Les messages ne souffrent d’aucune ambiguïté : la fillette docile d’aujourd’hui sera la femme résignée de demain. Surgissent alors les traces d’une histoire de corps en lutte : les premières campagnes pour l’avortement libre du Mouvement de Libération de la Femme, le magazine féministe des années 1970 Le torchon brule, le Manifeste des 343 lancé par Christine Delphy, Anne Zelensky et Simone de Beauvoir, les photographies des performances Femen et des collages récents dénonçant les violences faites aux femmes. Ces objets sont des témoins essentiels d’une lutte qui n’a de cesse de se réinventer, ou plutôt de s’augmenter, tant dans les formes utilisées que dans les références théoriques et politiques.
En Corps Elles : une exposition sur les corps révélateurs d’une appartenance, ou d’une assignation sociale et culturelle
« Corps voilé, corps dévoilé » : une partie de l’exposition traite de l’habillement et de son utilisation au fil de l’histoire. Le vêtement conditionne le corps et l’oblige à certains mouvements, ou l’interdit à d’autres. Les débats, du port de la jupe à celui du pantalon, se déplacent ; les divisions persistent. La question du foulard qui cristallise les tensions apparait dans l’exposition comme une suite logique. Les rapports entre féminité, autorité masculine, elle-même portée aux nues par l’autorité religieuse, sont portés au paroxysme grâce à cette iconographie du voile. Des artistes telles que ORLAN, ou Shirin Neshat, qui utilisent la photos, se font le porte-voix d’une double identité du corps, à la fois dominé et dominant, symbole d’oppressions mais aussi de résistances.
Les artistes sont aujourd’hui nombreux.euses, à s’emparer de cette vision multiple du corps et de l’identité. L’exposition cite Geneviève Fraisse, pour laquelle il s’agit de « s’approprier des places », de les « perturber », de bousculer les normes esthétiques et genrées. L’opposition binaire masculin-féminin est reprise à différents endroits de l’exposition, que ce soit par la reprise d’une photo de l’exposition Soyeuses de l’association Liberté Pilosité Sororité, ou par un retour audacieux sur l’évolution des connaissances scientifiques, ou prétendument scientifique, des appareils reproducteurs. La transidentité est évoquée par les photos contemporaines d’Amanda Picotte, et la transsexualité par une présentation du très rétro magazine Ah! Nana des années 1970. L’exposition évoque aussi la remise en cause des canons esthétiques blancs et d’un exotisme post-colonial, notamment par l’imposant néon de Valérie Oka qui illumine de son interpellation « Tu crois vraiment que parce que je suis noire je baise mieux ? »
Découvrez l’exposition en ligne.
A Corps et à Cris : une saison culturelle et scientifique sur le réseau de la BmL
En 2020, le mouvment de libération des femmes fêtait ses 50 ans. Au cours des 10 dernières années, les questions d’égalité et de lutte contre les discimnations liées au genre et à la sexualité ont, de nouveau, fortement occupé les scènes médiatique et politique. La notion de genre est elle-même le produit d’une longue maturation intellectuelle et sociale du féminisme et de ses différents courants.
Du 23 octobre au 4 décembre 2021, le féminsime fera l’objet d’une programmation culturelle dédiée sur le réseau de la Bibliothèque municipale de Lyon et des bibliothèques de la Métropole.
Un site web est dédié à la présentation de cette programmation.
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