Une stagiaire embarquée dans un BUA PRO féministe

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La commission Légothèque me donne la parole pour présenter la mission de mon stage à la Bibliothèque Universitaire d’Angers (BUA) en mars 2021, réalisée lors de mon cycle de perfectionnement de conservatrice promue à l’ENSSIB : participer à l’organisation et à l’animation d’un BUA PRO sur le féminisme. Un BUApro est une découverte active de la bibliothèque par des professionnelles des bibliothèques et de l’information-documentation d’autres établissements. La BUA conserve les fonds du centre des archives du féminisme (CAF) et les questions liées au genre sont un axe fort du projet d’établissement. L’idée d’organiser un BUA pro sur le féminisme avait déjà germé en 2020, mais la mise en oeuvre avait été stoppée par la crise sanitaire. L’objectif, pour le mois du genre de mars 2021, était donc l’organisation de cette découverte active qui, autour des questions de visibilité des collections, de l’occupation des espaces, et de management, se demanderait si on peut avoir une lecture féministe du fonctionnement de la BUA.

Créé en 2017, le mois du genre est une manifestation imaginée par le programme de recherche GEDI (GEnre et DIscriminations sexistes et homophobes) et la mission Egalité de l’Université d’Angers (UA), et est maintenant portée par l’UA. Pendant tout le mois de mars, des événements sont proposés, gratuits et ouverts à toutes, permettant les échanges entre le grand public, les scientifiques et des artistes. Cette version féministe du BUA PRO figurait donc dans au programme de cette année et s’adressait particulièrement au public professionnel des bibliothèques francophones.

Mon stage programmé en 2021, la demande de l’Enssib de travailler sur une mission précise et mon envie de travailler sur une thématique “pratique et engagée, permettant de mieux comprendre le fonctionnement de l’établissement » convergeaient vers la réalisation de ce BUA Pro d’un genre particulier.

Dans un premier temps, j’ai déjà dû m’acculturer à cette spécificité angevine qui consiste à appréhender le concept des visites actives des BUA Pro et comprendre comment on pourrait l’adapter en distanciel et sur une thématique.

Qu’est ce qu’un BUA PRO ? C’est l’accueil in situ de bibliothécaires désireux de connaître les pratiques de la BUA. Les participantes vont faire des observations et des entretiens avec des collègues ou des usagères. Des dossiers d’éléments statistiques sont fournis pour donner un exemple grandeur nature de la palette d’outils à disposition pour appréhender le fonctionnement d’une BU. Les avantages de cette formule atypique sont nombreux : les visiteuses testent des méthodes UX grandeur nature et en tirent des conclusions critiques. Les échanges sont instructifs pour toutes : les discussions ouvertes entre collègues d’établissements très différents sont une belle occasion de formation professionnelle pour les collègues de la BUA.

De manière très expérimentale, l’équipe de la BUA a proposé, les 23 et 24 mars 2021 en distanciel, à 12 participantes, un BUA PRO féministe pour la 10ème édition : une exploration du fonctionnement de la bibliothèque au prisme du genre autour de trois thématiques :

• des données et ressentis d’usages (des lieux et des collections) ;

• des données et ressentis sur le fonctionnement d’un service féminisé à 80 % et la manière dont cela se traduit dans l’organisation générale (temps de travail, organisation des locaux, carrières) ;

• et enfin, une réflexion sur comment mesurer et agir pour que la BU puisse être un lieu safe (recueil de témoignages, données objectives et modalités de collecte).

De mon côté, j’ai travaillé sur l’organisation et l’animation de ce BUA Pro sous la direction de Nathalie Clot, directrice de la BUA,  et accompagnée par Maud Puaud, responsable du pôle développement des compétences.

Pour la préparation de ces journées, une de nos premières missions a été de créer un cadre sécurisant pour les participantes et les données personnelles des professionnelles, des usagères qui s’étaient confiées à nous et dont les transcriptions anonymisées des entretiens figuraient dans les dossiers. Les participantes, pour pouvoir confirmer leur inscription, ont eu à lire et reformuler le code de conduite de la journée (inspiré du code de conduite des conférences UXlibs, lui même appuyé sur celui des bibliothèques néo-zélandaises LIANZA). Côté organisation, le travail en amont (mes 3 premières semaines de stage) a consisté à réfléchir/ à tester des observations, consultations, indicateurs qui nous permettraient de travailler sur les questions de genre en bibliothèque. Nous avons ensuite travaillé à recueillir les données pour les dossiers sous plusieurs formes, je vous en ai indiqué quelques exemples :

Enquêtes et entretiens

  • Transcriptions anonymisées d’une dizaine d’entretiens, rassemblées dans un document de synthèse structuré
  • Questionnaires anonymes en ligne à destination des agentes de la BUA et des usagères de la BUA

Données numériques ou factuelles (extractions système informatique ou fac simile documents originaux)

  • Données du SIGB Aleph : comparaison du genre des emprunteurs par rapport aux données générales UA, en fonction des différentes thématiques
  • Données RH et salariales des personnels de la BUA, y compris les monitrices et moniteurs étudiants et leur vivier de recrutement
  • Rapports d’incidents avec les usagers et arrêtés d’exclusion

Données d’observation brutes

  • Des observations genrées de l’occupation de la BU (cartographies des places occupées suivant le genre “visible” des personnes, observation des passages dans le hall de la BU Saint Serge)
  • Observation des réunions de direction au prisme du genre (répartition du temps de parole, comptage des remarques à caractère sexiste)

Nous avons ensuite travaillé sur les 2 demi-journées en 3 sous-groupes qui correspondaient aux 3 thématiques évoquées précédemment (1 groupe genre des données, 1 groupe la BU lieu safe ? 1 groupe la BU un service féminisé). Chaque groupe (4 participantes et 1 animatrice) a étudié le dossier thématique mis à sa disposition, mené des entretiens en visio, échangé sur sa thématique et ses problématiques pour ensuite dégager des pistes de questions/réponses et partager ensuite ces idées en grand groupe. Les collègues de la BUA intéressées par cette expérience étaient invitées lors de ce bilan à rejoindre le groupe.

Ce BUA PRO féministe a semblé répondre à une demande, si l’on en juge par la rapidité à laquelle les inscriptions ont fait le plein et les retours des participantes. Les organisatrices ont bousculé l’idée de ”neutralité des bibliothèques” pour proposer une approche explicitement engagée, s’affichant comme féministe. Nous souhaitions réfléchir à une méthodologie pour aborder ces thématiques et faire émerger des questions, un dialogue entre les participantes, pour ensuite engager une réflexion plus poussée transposable dans d’autres établissements. L’idée était de se stimuler, se donner confiance et une légitimité pour oser aborder ensuite ces questions dans nos établissements (une sorte d’empouvoirement des bibliothécaires)

Ce BUApro féministe a été un premier petit pas, j’espère maintenant qu’il va essaimer. Cette mission (un peu décalée) a été très enrichissante professionnellement et personnellement pour moi et je serai maintenant très vigilante aux thématiques du féminisme et des questions de genre lors de mon retour en bibliothèque.

Lien blog Angers http://blog.univ-angers.fr/buapro/

http://blog.univ-angers.fr/buapro/2021/02/12/les-visites-buapro/

https://moisdugenre.univ-angers.fr/2021/02/12/les-visites-buapro/

A venir article dans la BAO de l’ENSSIB « Agir pour l’égalité. Questions de genre en bibliothèque »

https://presses.enssib.fr/catalogue/agir-pour-legalite-questions-de-genre-en-bibliotheque-50

Parution prévue en décembre 2021

Un article proposé par Elisabeth Collin-Canto, présidente de Cyclo-biblio et responsable de la BU des Grands Moulins (Université de Paris) à compter du 1/07/2021


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