Sélection de mangas queer

Quand on parle de mangas LGBT+, les premières références à arriver en France sont bien souvent les yaoi, et dans une moindre mesure les yuri, ce qui laisse de côté un important pan de la production. Et même ces genres sont peu connus du grand public. Le yaoi correspond à des romances entre hommes (pouvant être érotiques ou non), le plus souvent écrit par des femmes, et à destination de femmes ; le yuri est son pendant féminin : des romances entre femmes – mais dont le public est bien plus mixte. Ces deux genres de manga relèvent souvent de la fétichisation des identités non-hétérosexuelles, et de nombreuses critiques à leur égard ont pu fleurir sur le net (notamment sur la notion du consentement dans le yaoi).

Il existe cependant bien d’autres mangas, ne rentrant pas dans ces cases, et qui offrent une diversité et un réalisme plus importants dans ses représentations. En voici une petite liste, bien sûre non exhaustive !

F. Compo

Couverture du tome 1 de F. Compo. On y voit quatre personnages asiatiques, deux hommes et deux femmes, enlacés et souriants.

Family Compo, de Tsukasa Hōjō, série terminée en 12 volumes.
L’auteur, déjà bien connu pour Cat’s eyes et City Hunter (plus connu en France sous le titre Nicky Larson), a souvent fait preuve d’un grand avant-gardisme sur la question de la représentation des femmes dans ses œuvres. Pour F. Compo, c’est plutôt la question de la transidentité qui est traitée.

L’histoire suit un jeune homme de presque 19 ans, dont le père vient juste de décéder. Désormais orphelin, il est recueilli par sa tante et son oncle, et apprend à connaître sa cousine, d’un an sa cadette. A sa grande surprise, il découvre que ses deux parents sont transgenres, et que leur enfant est de genre fluide.
Évidemment, le manga étant sorti à la fin des années 90, les termes utilisés ne sont pas ceux-ci. Il y est plutôt questions de travestissement, d’hommes qui sont des femmes et de femmes qui sont des hommes.

Dis comme ça, évidemment, ça ne fait pas très envie… Et pourtant ! Si la terminologie fait grincer des dents (ce qui est peut-être, laissons le bénéfice du doute, la faute à la traduction), la façon dont le sujet est traité est simple, efficace et diablement positive. Le héros, à l’instar d’un Nicky Larson macho et dragueur, est constamment tourné en ridicule quant à son manque d’ouverture d’esprit et d’acceptation de la situation. Les personnages trans sont tous positifs et complexes, avec des histoires différentes, allant du tragique au plus commun.
De nombreuses critiques sur le net font état de la confusion entre travestissement et transidentité, mais si les mots utilisés sont effectivement ambigus, dans les situations et les paroles des personnages, il est clair que les femmes trans sont des femmes, et vice versa. D’autres critiques sont néanmoins valides, par exemple la (trop récurrente) impossibilité de concilier transidentité et homosexualité.

Il s’agit cependant d’un manga précurseur de son époque, drôle et positif, que je conseillerais avec toutes les personnes qui n’ont pas peur de se frotter à du vocabulaire un peu daté.

Aromantic (love) story

Couverture du tome 1 d'Aromantic (love) story. On y voit une femme, habillée avec une robe blanche, assise dans un fauteuil en velours rouge. Elle est entourée de deux hommes en costume, l'un en costume blanc, l'autre en costume noir.

Aromantic (love) story, de Haruka Ono, série terminée en 5 volumes.
Kiryu est une mangaka qui connaît un succès fulgurant grâce à sa série de type « harem manga », où un jeune homme est courtisé par un grand nombre de jeunes femmes. Cependant, elle a bien du mal à avancer dans son histoire, ne ressentant elle-même pas d’attraction romantique ou sexuelle. Entraînée malgré elle dans un triangle « amoureux » avec deux hommes de son entourage professionnel, elle en profite pour faire ses recherches et essayer de comprendre ce qu’est l’amour.

Trop souvent, dans les textes où un personnage est aromantique, la question du trauma est évoquée – ce qui est une question légitime, bien entendu, mais ne laisse pas la place à d’autres interprétations. Ou bien le personnage aromantique se trouve être un·e robot, ou un·e alien – ou encore un·e adolescente qui se cherche. Ou bien iel finit, grâce à l’amour d’un autre personnage, à découvrir ce sentiment et être « guéri·e ».
Alors, un manga dont le personnage est une femme trentenaire plutôt banale qui se retrouve au centre de l’attention de plusieurs hommes, il y avait fort à craindre qu’elle finisse dans les bras de l’un ou l’autre dans un happy ending un peu niais.
Ouf ! Rien de tout cela ici, et Kyriu reste bel et bien aromantique jusqu’au bout, sans finir dans une relation (désolé pour le spoiler, mais connaître ce détail ne vous empêchera pas de profiter du scénario !). En plus des parties plus pédagogiques sur les orientations non-hétérosexuelles, de nombreux passages évoquent des thématiques féministes très fortes (injonctions au couple, à la maternité, etc.) mais jamais de manière lourde et insistante.

Avec son dessin soigné, il permet à tout·es, même les adolescent·es, d’aborder des questionnements encore rares dans notre société.

Éclat(s) d’âme

Couverture du tome 1 d'Eclat(s) d'âme. On y voit un garçon asiatique aux yeux gris, avec un air triste ou terrifié, sur un fond de ville bleutée.

Eclat(s) d’âme, de Yuhki Kamatani, série terminée en 4 volumes.
Ce manga s’adresse plutôt à des adolescent·es en questionnement. Le personnage principal, Tasuku, est un lycéen homosexuel dont l’orientation sexuelle a été dévoilée par accident à ses camarades de classe. Commençant à subir leur homophobie, et craignant les réactions, il envisage de se suicider, avant d’être interrompu en voyant une autre personne se jeter d’une fenêtre. Celle-ci est en réalité l’hôte d’un salon de discussion ayant la fâcheuse tendance à sortir du bâtiment par la fenêtre… En la rencontrant, il fait également la connaissance d’un petit groupe de bénévoles qui cachent également des secrets : lesbianisme, travestissement…

Ce manga est très délicat, et traite des sujets LGBTI+ avec un angle plus social que la plupart des autres productions. Les questions de l’homophobie intériorisée, du placard, du questionnement de son identité, y sont traitées avec beaucoup de justesse – au point où les personnes concernées pourront difficilement ne pas se reconnaître dans les portraits présentés. Éclat(s) d’âme n’est pas moralisateur pour autant, et les messages qu’il essaie de véhiculer (notamment sur la culture du viol) ne sont pas frontalement exposés.

Suicide parabellum

Couverture du manga Suicide Parabellum, en noir et blanc. On y voit une jeune femme habillée d'un costume, tenant une tête de lapin géante sous le bras.

Suicide parabellum, de Dowman Sayman, série terminée en 10 chapitres (en ligne). Pour un public averti [Sang, Violence]
Cette courte série, disponible en ligne (en Anglais) n’a rien de pédagogique : les deux personnages au centre de l’histoire sont des femmes qui s’aiment, et voilà tout.
Chihaya est à la recherche d’Ouko. Celle-ci semble prisonnière dans les sous-sols du QG de la mafia, alors qu’une fête costumée bat son plein dans les étages. Chihaya va donc s’y introduire pour la sauver, mais découvre bien vite que les choses ne sont pas aussi simples qu’il n’y paraît. Allant d’un niveau à l’autre à la poursuite d’Ouko, Chihaya finit par rencontrer des personnages esseulés, qui reviendront régulièrement l’assister dans sa quête.

Le style, original pour un manga – un peu moins pour une publication uniquement web – et l’histoire totalement kaléidoscopique se marient à merveille pour une expérience où l’on commence par se demander ce qui diable on est en train de lire. Mais l’auteur déroule les fils de sa trame petit à petit, dans des révélations maîtrisées qui laissent tout de même la place à l’interprétation des lecteur·ices.

The first love melt in ultramarine

Couverture du manga "The first love melt in ultramarine". On y voit les bustes de deux adolescents de profil, l'un blond et l'autre brun. Ils se regardent dans les yeux, entourés par le ciel bleu et des feuilles d'arbre.

The first love melt in ultramarine, de Yuki Ringo, tome unique. Pour un public averti [Sexe, Viol]
Ce manga est publiée dans la collection Yaoi de Taifu, qui est probablement la collection la plus prolifique en la matière. Le plus souvent, les ouvrages qui y paraissent cochent toutes les cases du yaoi « traditionnel ». Ultramarine est une exception bienvenue – quoi que probablement pas la seule -, du moins du côté de l’intrigue (les dessins eux sont assez classiques et on retrouve notamment le « syndrome des mains de yaoi » aux doigts ridiculement longs). et présente l’histoire de deux lycéens, Kengo et Yoshioka, qui se rencontrent suite à la blessure de Kengo. Yoshioka est censé être dans sa classe, mais ne vient jamais en cours : en effet, ce dernier a été victime l’année précédente de harcèlement sexuel homophobe.
Le consentement et la reconstruction de soi sont donc au centre de ce manga, qui pêche cependant par son format. Sur un seul tome, les situations sont parfois vite expédiées, et on peut avoir l’impression que la guérison est presque « magique ». Yoshioka est un personnage dont on voit peu l’archétype habituellement, surtout dans les productions grand public : on peut voir en filigrane le sujet du syndrome post-traumatique évoqué également.

Autres titres à explorer :

  • Le mari de mon frère, Gengoroh Tagame
  • L’infirmerie après les cours, Setona Mizushiro
  • Blue, Kiriko Nananan
  • Mage & Demon queen, Color-LES (webcomic)


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