Etats Généraux de l’Egalité en littérature jeunesse

Le 5 octobre, se sont tenus les Etats généraux de l’Egalité en littérature jeunesse, organisés par la Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse.

En 2018, la Charte avait décidé de lancer un plan d’action Égalité, dont l’objectif était d’interroger les questions d’égalité au sein de la littérature jeunesse. Après la création d’une commission Egalité & Diversité, d’un prix Egalité Jeunesse, l’importance de l’enjeu à amener à l’organisation d’une véritable journée d’études, où chaque acteur et chaque actrice du secteur est invité à la réflexion.

Une introduction : des chiffres édifiants

Hélène Vignal, co-présidente de la Charte, a introduit la journée avec, notamment, les chiffres de l’ Observatoire de l’égalité du ministère de la Culture.

En matière de revenus, on observe une différence de moins 22% à moins 26% entre les auteurs et les autrices.

Dans un secteur fortement féminisé (70% des chartistes sont des femmes), la nécessité à viser l’exemplarité en matière d’égalité est d’autant plus forte. L’ensemble des acteurs et actrices est convaincu de la validité de l’objectif d’égalité; où sont les freins ?

Etude sur la réception des stéréotypes par les enfants, étude sur les inégalités dans le milieu de la littérature jeunesse et considération des autrices

La matinée de cette journée d’études s’est décomposée en trois temps.

1- La littérature jeunesse, porte d’entrée sur la construction inégalitaire systémique des enfants ?: Dorianne Montmasson, maîtresse de conférences en sociologie de l’éducation à l’INSPE

Dorianne Montmasson a proposé ses résultats d’étude sur la réception de la littérature de jeunesse par les enfants.

2- Premiers retours de l’étude du CNL portant sur l’économie de la filière du livre de jeunesse: Anne-Sophie Métais, chargée des études d’évaluation CNL.

L’objectif de l’étude, dont les résultats ne sont pas encore finalisée, est d’établir une photographie de la situation des auteurs et autrices, des illustrateurs et illustratrices ou des traducteurs et traductrices publié·es, en jeunesse, entre 2014 et 2018, chez des éditeurs spécialisés ou non. Les résultats sont bruts mais montrent déjà les inégalités et les tensions vécues par les auteurs et autrices.

3- La considération des autrices est-elle la seule clé de l’égalité en littérature jeunesse?: Roxane Edouard (agente littéraire), Martin Page (auteur, éditeur), Coline Pierré (autrice, éditrice), Hélène Rajcak (autrice-illustratrice)

Témoignages d’expérience et d’initiatives sur les questions de traitement, de rémunération et de visibilité : la considération des autrices est-elle la seule clé de l’égalité en littérature jeunesse ?

« La littérature #jeunesse est aussi la sphère où on compte le plus grand nombre d’#autrices, militantes et politisées. À la clé : des avancées qui profitent aussi à la littérature générale. »


Outils concrets en faveur de l’égalité pour les professionnel•les du livre, réactions et propositions des partenaires (SLF, Fill, et Légothèque/ABF)

Les temps proposés l’après-midi ont offert un panorama d’actions, menées par les acteurs et actrices du secteur du livre

1- Deux outils concrets : les ateliers d’autodéfense verbale, par Anne Morel Van Hyfte, et la question de la budgétisation sensible au genre, par Isabelle Gueguen.

Pour Anne Van Hyfte Morel, les femmes sont actrices dans leur démarche d’émancipation: il leur faut des outils de défense et protéger ce qui devrait être acquis, mais qui ne l’est pas à cause du sexisme. Comment faire face lorsque les femmes ne sont pas ou plus considérées comme bankable? Une réflexion sur l’autocensure des femmes et les stéréotypes ont poussée Anne Morel Van Hyfte à monter des ateliers d’autodéfense verbale. Il est également primordial de questionner les inégalités de genre dans la production culturelle, et la reproduction des élites culturelles: le secteur culturel, aussi, produit 80% d’hommes blancs. Comment une telle élite se reproduit alors que d’autres classes créatrices peuvent être lancées, créées ?

« Quand on ne réfléchit pas aux questions d’égalité, quand on ne les travaille pas, et bien ça crée des inégalités. » Anne Van Hyfte Morel

Isabelle Gueguen, co-dirigeante de la société Perfergal, a poursuivi cette interrogation des inégalités culturelles et estime que toute structure, publique et privée, doit considérer ses dépenses et les analyser au prisme de l’égalité FH. Elle a ensuite présenté son outil de budgétisation sensible au genre. Cet outil vise à intégré la perspective de genre dans tout cycle budgétaire, afin d’analyser l’impact différencié des dépenses et recettes des budgets sur les femmes et les hommes.

2- Réactions et propositions des partenaires: Commission Légothèque / ABF, Syndicat de la Libraire Française, Fédération Interrégionale du Livre et de la Lecture

Guillaume Husson, délégué général du SLF, a salué la récente élection d’une femme, Anne Martelle, à la présidence du SLF. et reconnaît la difficulté à obtenir des données chiffrés en matière d’inégalité. S’il n’y a pas de Rencontres Nationales de la Librairie en 2021, l’édition 2022 devrait aborder les inégalités femmes / hommes.

Amanda Spiegel , gérante de la Librairie Folies d’Encres, dresse un constat d’observation et appelle à la convergence des luttes: « il est encore trop rare de trouver un héros ou une héroïne d’Afrique ou d’Asie qui ne soit pas stéréotypé·e »

Delphine Henry, déléguée générale de la Fill, a proposé d’intégrer des données générées dans la prochaine enquête destinée aux régions, d’envisager une budgétisation sensible au genre. Début 2021, la Fill réalisera un dossier numérique sur l’égalité femmes / hommes.

Isabelle De Souza a présenté les missions de la commission Légothèque, ainsi que les en matière d’égalité et de lutte contre les stéréotypes.

Jo Witek, grand témoin de la journée

Jo Witek, a clôturé cette journée:

« La littérature jeunesse comme toute littérature doit aussi déranger, surprendre, garder sa liberté de ton, son insolence et donner à voir l’état du monde tel qu’il est. Parfois, un personnage de père machiste et alcoolique fera beaucoup plus réfléchir un ado, qu’un papa féministe et écolo. L’important n’est pas tant de coller aux nouveaux archétypes, aux nouvelles représentations, que d’écrire avec sincérité, là où on en est. Avoir cette honnêteté-intellectuelle là. Et en ce moment à en voir le nombre de romans qui mettent des filles à l’honneur, par rapport à la réalité de l’égalité filles-garçons dans nos sociétés : on peut s’interroger sur cette honnêteté. «  »La Charte des auteurs et illustrateurs jeunesse a eu et a encore un rôle majeur dans l’avancée du statut social et fiscal de l’écrivain. C’est elle qui a permis entre autres une rémunération des rencontres, des animations à un tarif unique minimum, avancée utilisée ensuite par les auteurs en littérature générale et enviée chez pas mal de nos pairs européens. Pas rien. C’est elle aussi, cette association d’auteurs et d’illustrateurs, qui aujourd’hui invite les professionnels à s’interroger sur leurs pratiques, à faire l’état des lieux des inégalités hommes femmes pour pouvoir demain engager des actions. Moins de blabla, nous n’en sommes plus à convaincre, désormais il convient d’agir. De cela chaleureusement je les remercie, comme je remercie tous les intervenants, les intervenantes de cette première journée, pour ce qu’ils nous ont appris et transmis de leurs expériences. »

© Nicolas Digard

L’ensemble de la journée est visible sur la chaîne Youtube de La Charte


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