Accueillir les publics sans discrimination: retour sur la journée d’étude co-organisée par Médiadix (CRFCB) et l’URFIST de Paris – Pôle Métiers du livre

Le 13 mars dernier s’est tenue la journée d’étude « Évolutions sociétales et bibliothèques: quelles responsabilités sociales, éthiques, citoyennes dans la cité ? ». Co-organisée par Médiadix et l’Université de Paris Nanterre, cette journée, qui a réuni une centaine de participant•es, a mis en avant les responsabilités sociales, citoyennes, voire éthiques, pour les bibliothèques, vis-à-vis de la communauté des publics, de tous les publics, habitués, occasionnels, et ceux potentiels.

Invitée à participer, la commission Légothèque est intervenue sur les questions de responsabilités sociales, plus précisément sur l’accueil des publics sans discrimination.

Accueillir les publics sans discrimination

La discrimination est la distinction, l’exclusion, d’une personne ou d’un groupe de personnes, par rapport aux autres citoyen•es.

Si l’on s’accorde aisément sur le fait que discriminer est mal, comment alors développer un accueil et des services inclusifs si l’on ne prend pas la mesure de la diversité des publics, leurs particularités, sans stigmatiser ? Accueillir les publics sans discrimination doit-il être synonyme de neutralité, d’homogénéité (du service public, des offres – culturelle, documentaire, de services) ? Ou, au contraire, développer l’inclusion s’accompagne-t-il d’un engagement plus marqué de la part des professionnel•les ?

Les questionnements en bibliothèque? On connaît.

L’adaptabilité ? On connaît.

Les évolutions sociétales en bibliothèque? On connaît (on subit?).

La considération de ces évolutions a pris de l’ampleur avec la vague « 3e lieu »: les postures d’accueil, les collections, les publics, les services, ec, on sait. Mais, disons-le, ça a tout de même fâché: des tensions entre l’ensemble des acteurs et actrices de nos lieux-bibliothèques: ces fâcheries réunissent tout le monde ! Les équipes (comment manager?), les publics (comment gérer les conflits?), les tutelles (comment appliquer / résister, comment remonter les difficultés, comment visibiliser les actions et les missions ?).

Pour un positionnement de nos équipements dans leur vocation sociale, on peut s’appuyer sur des documents-cadres et s’inspirer d’actions aussi diverses que l’hétérogénéité des publics.

Documents-cadres: des références toujours utiles

Ces textes généraux sont un référentiel et posent de solides bases sur les questions de pluralité, de libertés, de droits et d’inclusion:

  • les libertés: parler, écrire, imprimer, penser; liberté de conscience, liberté de religion
  • des notions, sous une première forme: l’exercice de la citoyenneté, le droit de participer, la diversité, le vivre-ensemble, les droits culturels
  • des considérations naissantes: les identités au cœur de la cohésion sociale; l’identité « maternelle », l’égalité d’accès, les droits culturels, la diversité culturelle

D’autres documents, spécifiques aux bibliothèques, viennent souligner les responsabilités sociales de nos équipements:

Ces textes nous offrent, de façon plus précise et évolutive, les ingrédients nécessaires à la valorisation du rôle social des bibliothèques:

  • de nouvelles notions apparaissent: la formation tout au long de la vie; la censure (de la part des professionnel•les ou « extérieure »); l’interculturalité; l’autonomie des publics; l’inclusion numérique; les savoirs communs
  • de nouvelles considérations: les « publics empêchés »; l’âge des publics; les minorités linguistiques; l’alphabétisation; le pluralisme; l’accessibilité; les services;
  • de nouvelles pratiques professionnelles: la gratuité, garante d’une fréquentation élargie; aller au-devant des publics; un engagement du bibliothécaire, entre  prescription et participation active à la modernisation de l’image des lieux; l’environnement social et citoyen

Le rôle social des bibliothèques entre dans les publications et échanges professionnels; on reconsidère les bibliothèques – lieux d’accès à des ressources plurielles – comme lieux de fréquentation, comme « agora ».

Et en pratique ?

Quelques publics, quelques actions

Migrant•es, réfugié•es, demandeurs et demandeuses d’asile

La question de leur accueil en implique d’autres, dont les pistes de réponses se retrouvent dans l’ensemble des réflexions du monde des bibliothèques: le pluralisme des collections, les services, l’accueil, la place de l’interculturalité en bibliothèque.

L’accueil des migrant•es dans nos établissements pose de manière urgente la question du rôle social des bibliothèques, rôle reconnu de manière quasi unanime aujourd’hui: qui sont ces migrant•es ? Quelle représentation ont-ils et ont-elles de la bibliothèque et que viennent-ils  et viennent-elles y chercher ? Comment les accueillir ? Quels outils spécifiques sont à mobiliser pour ces publics et comment garantir la cohabitation entre tous les usagers et usagères ?

Un accueil inclusif nécessite de considérer l’hétérogénéité des publics migrants: diversité des origines socio-professionnelles, du niveau de précarité, des parcours migratoires, etc.

Le développement d’actions spécifiques destinées aux migrant•es est lié au rôle social. Aussi, les bibliothécaires doivent nécessairement s’informer et échanger sur les stratégies à déployer afin de contribuer à tisser du lien social et être de véritables lieux d’inclusion tout en concourant à la démocratisation de l’accès à l’information, au savoir, à la culture.

Les points de résistance et les difficultés:

    • la politique du projet d’établissement
    • les moyens humains, financiers et l’importance des partenariats
    • la crainte d’un glissement vers une forme de communautarisme
    • éviter l’écueil de la folklorisation
    • l’adaptabilité et l’enrichissement des pratiques professionnelles
  • l’offre de formation balbutiante: favoriser les échanges interprofessionnels
  • Publics en situation de handicap: des exemples d’actions

Les pôles Lire autrement des bibliothèques Marguerite-Duras et Marguerite-Yourcenar (Paris) ont été présentés. Destinés aux personnes déficientes visuelles, ce service propose un accueil personnalisé, des outils informatiques adaptés (télé-agrandisseur, lecteurs DAISY…). Pour poursuivre, le travail de l’association Valentin Haüy a été présenté: au-delà de déficience visuelle, l’association travaille à l’inclusion des personnes porteuses de handicap, de troubles cognitifs.

Les troubles DYS sont des troubles qui altèrent le développement de l’enfant, jusqu’à l’âge adulte. Généralement précoces, ces troubles ne se constatent qu’à l’apprentissage de la lecture et entraînent des difficultés sociales, scolaires, puis professionnelles. La bibliothèque reste un lieu intimidant pour les enfants DYS, comme pour les adultes non-lecteurs et non -lectrices: la bibliothèque a alors pour rôle de favoriser l’insertion des « faibles lecteurs » et « faibles lectrices ».

Les fonds FAL (Facile A Lire) et FALC (Facile A Lire et à Comprendre) sont destinés à des publics variés: éloigné•es de la lecture, allophones, DYS, etc. Les critères de ces fonds sont donc aussi variés que les publics auxquels ils s’adressent.

Destinés à des publics hétérogènes, l’objectif est ici l’appropriation personnelle de la lecture, de la culture. Proposer un fonds FAL / FALC place la bibliothèque comme actrice de la prévention et de la lutte contre l’illettrisme; la bibliothèque devient vecteur d’inclusion et adopte une dimension interculturelle.

Pour conclure…

Accueillir les publics sans discrimination nécessite de considérer l’hétérogénéité des publics accueillis, de favoriser l’expression de la citoyenneté et d’expérimenter le vivre ensemble. Les bibliothèques apparaissent alors comme levier, luttent contre l’invisibilisation et favorisent l’empowerment.

Les initiatives présentées montrent la diversité des profils de bibliothèques; s’inscrire dans une démarche inclusive modifie les postures professionnelles: une politique documentaire plus ouverte, une politique d’accueil plus volontariste, une action culturelle plus inclusive.

Les bibliothèques ont un rôle à jouer dans l’expression de la citoyenneté et de la démocratie. Favoriser ces expressions, dans une société en constante évolution, encourage les bibliothèques dans leur vocation à changer le monde.


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