Interview de Célia Deiana, à propos du festival FantastiQueer

Logo rond du festival Fantastiqueer, accompagné d'un drapeau arc-en-ciel LGBTI+

Bonjour Célia, peux-tu te présenter ?

Bonjour, je suis Célia Deiana, autrice, blogueuse et militant queer, chronologiquement depuis 35, 15 et 10 ans, en gros. Je m’occupe en tant que bénévole de la médiathèque LGBTQI+ et féministe de La Station, centre LGBTI de Strasbourg. Et je suis donc depuis plusieurs mois la coordinatrice de FantastiQueer.

En quoi consiste ton projet, FantastiQueer ?

FantastiQueer est un salon de l’imaginaire queer qui aura lieu du 18 au 20 septembre 2020, à Strasbourg. Plus précisément à La Station (7 rue des écrivains)
Nous accueillerons sur trois jours une demi-douzaine d’auteurs et d’autrices appartenant à la communauté LGBTQI+ et écrivant dans le domaine de l’imaginaire (science-fiction, fantasy, fantastique et associés)
Il y aura bien entendu une soirée d’inauguration, avec un vernissage d’exposition, également dans le thème, des ateliers sur le jeu de rôle, des conférences et débats et des ateliers d’écriture et une masterclass.
De quoi bien s’occuper tout le week-end.

Comment t’es venue l’idée du projet ?

Je navigue dans le monde des littératures de l’imaginaire francophone depuis plus de dix ans maintenant (ma première nouvelle a été publiée en 2009) et j’ai vu, comme beaucoup de lecteurs et lectrices, que la représentation des minorités dans ces littératures n’étaient pas formidables. C’est un problème d’ailleurs qui touche tous les milieux culturels et sociétaux, milieux auxquels les femmes, les personnes racisées et les personnes LGBTQI+ ont moins accès, ou plus difficilement accès.
Mais j’ai également assisté à une belle évolution, chez les lecteurs et lectrices, mais également chez les auteurs et autrices, et dans les maisons d’édition. Le problème des représentations commence a être objet de conférences depuis quelques années, notamment aux Utopiales et aux Imaginales.
Entretemps je me suis éduquée sur la non-mixité et la réappropriation des représentations (notamment chez Sam Boursier), et l’idée d’un salon ouvert au public spécifiquement sur le sujet des minorités dans l’imaginaire, est arrivée tout naturellement.

Pourquoi organises-tu le festival ?

Si j’ai été, comme beaucoup, attirée par le domaine de l’imaginaire, c’est aussi que, malgré les rouages très sexistes et eurocentrés auquel il obéit encore (mais plus pour longtemps), il permet aussi de tordre les conventions sociales. Quitte à être magicien, autant être un magicien gay, puisque nous sommes gays aussi.
De plus la thématique monstrueuse, du « freak » est très profondément ancrée dans la culture queer.
Cependant dans une société très hétéronormée, nous pouvons avoir l’impression que ces petites désobéissances artistiques sont isolées, ou se limitent au virtuel. Après tout, nous sommes témoins des queer-baiting des grandes productions inernationales, et des manifestations de haine qu’engendre la moindre « envie » de représentation d’un personnage queer en toile de fond d’un film Disney.
En organisant un salon, je souhaite faire se rencontrer des personnes qui se sentent encore à la marge de la production artistique actuelle, avec une culture qui est bien réelle, à la fois unifiée et également très diverse.
Il y a peut-être peu de points communs entre un jeune militant gay qui écrit des fanfics Harry Potter et une militante trans qui écrit des livres cyberpunk. Sauf ce vécu personnel qui se retrouve, d’une manière ou une autre, dans l’écrit.

Comment s’inscrit-il dans la littérature queer ?

Généralement, la littérature queer se divise en, disons, trois catégories : celle écrite par des personnes non concernées et qui visent très souvent à la dramatisation et au malheur, voire à la fétichisation, celle écrite par des personnes concernées et qui est souvent reléguée à une littérature de niche (à quelques exceptions près qui arrivent dans les médias généralistes) destinée à un public adulte. Et la littérature de genre, essentiellement de la romance érotique ou du porno, mais avec aussi de belles découvertes en thriller ou en comédie romantique, notamment dans la littérature lesbienne.
Depuis quelques années également, grâce à de bons choix de traduction, et à quelques auteurs et autrices émergents, la littérature jeunesse offre un nouveau souffle à la littérature queer. Je pense surtout à deux best sellers : Aristote et Dante découvrent les secrets de l’univers de Benjamin Alire Sáenz, et Moi, Simon, 16 ans, homosapiens, de Becky Albertalli.
L’imaginaire queer a lui aussi une histoire. Je pense particulièrement au Rivage des Intouchables de Francis Berthelot, paru en 1990 et qui est une vision de fantasy de l’épidémie de Sida, aux romans de Poppy Z. Brite qui interrogent la perte d’identité (l’auteurice a fait son comig-out trans il y a quelques années maintenant) Néanmoins c’est une histoire qui n’est peut-être pas récente, mais qui n’a pas encore été écrite.

Comment s’articule-t-il avec le milieu associatif local ?

Je n’aurai pas pu monter ce projet sans La Station, centre dans lequel je suis bénévole depuis presque cinq ans maintenant. Ce salon est la suite presque logique d’un travail déjà commencé avec des achats de livres pour la médiathèque de l’association et l’organisation d’ateliers d’écritures et de rencontres avec des acteurs et actrices des milieux de la création littéraire.
Pour FantastiQueer nous avons à la fois des partenariats associatifs, notamment avec La Sauce aux Jeux, et professionnels.
Il faut malheureusement dire qu’avec le confinement ce travail de collaboration a été fortement ralenti. Nous ne pouvons cependant pas passer sous silence le soutien de la librairie du Quai des Brumes dans ce projet.
Je tiens aussi à remercier les personnes qui ont rejoint l’équipe d’organisation, permettant un partage des charges de travail et la création d’un site d’archives d’ouvrages de l’imaginaire LGBTQI+. Pour l’instant limité aux romans, essais, nouvelles et bande-dessinées (http://www.fantastiqueer.ovh )
Et je n’oublie pas le soutien des auteurices invitées (notamment Cindy Van Wilder et Mélanie Fazi, qui ont déjà été annoncées) et de leurs éditeurs, particulièrement Dystopia et La Volte.

Donne-moi une bonne raison de venir à FantastiQueer !

Accueil, convivialité, adelphité, connaissances, rencontres…
Si vous faites partie des personnes LGBTQI+, venez découvrir des auteurices qui vous ressemblent, une culture qui vous intègre dans votre diversité.
Si vous êtes allié·es, venez découvrir des littératures qui sortent des normes.
Et pour tout le monde : venez ! Les imaginaires sont ouverts à tous et toutes, et ils ne se laissent pas limiter par un virus ou par quoi que ce soit !


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