Recommandations pour une écriture inclusive et accessible

La parution chez Hatier d’un manuel scolaire adoptant une écriture inclusive, veillant à une représentation plus équilibrée des femmes et des hommes dans la langue, déclenche depuis plusieurs semaines de vives polémiques, au point que l’Académie française y voit un « péril mortel » pour la langue française. Légothèque vous propose de faire le point sur les modalités d’une écriture inclusive et accessible au plus grand nombre.

Sommaire du manuel adoptant une écriture inclusive – issu du site Actualitté

Pourquoi nous défendons l’adoption d’une écriture inclusive

Nous nous référons souvent au guide Pour une communication publique sans stéréotypes de sexe, rédigé par le Haut Conseil à l’égalité, qui décrypte les stéréotypes dans les images et dans l’usage de la langue et propose des recommandations pour une communication égalitaire.

La communication non sexiste expliquée en 4 minutes

Comme évoqué dans cette vidéo, nous pensons qu’intégrer dès le plus jeune âge que « le masculin l’emporte sur le féminin » n’est pas complètement anodin, que le langage participe de la construction de soi et véhicule une vision du monde. Eliane Viennot a bien montré dans son ouvrage Non le masculin ne l’emporte pas sur le féminin que le féminin a peu à peu été écarté de la langue française à partir du XVIIème siècle par des grammairiens peu enclins à reconnaître les capacités des femmes à exercer certaines fonctions.

Accessibilité de l’écriture « inclusive » pour les enfants, les dyslexiques, les personnes en difficultés avec la langue …

Reconnaissons-le, certaines modalités de l’ écriture inclusive peuvent créer des barrières de compréhension. Et en matière d’inclusion, il est important de prendre tout le monde en considération. Notons d’ailleurs que le terme « inclusion » s’applique à la question de la place des femmes dans la société, mais pas seulement. Nos collègues de la commission Accessibib ont par exemple publié récemment un ouvrage intitulé Accessibilité universelle et inclusion en bibliothèque, autour de l’inclusion des personnes en situation de handicap, dont nous vous recommandons la lecture.

Mais allier une juste représentation des femmes dans la langue tout en restant accessible au plus grand nombre est possible !

Nos recommandations pour une écriture inclusive et accessible

De nombreuses dispositions de l’écriture inclusive ne posent aucun problème d’accessibilité ou de compréhension.

1. Privilégier l’emploi d’une écriture épicène, c’est à dire « neutre ». Par exemple, parler de « L’équipe enseignante » au lieu de « l’enseignant » ; écrire « Vous souhaitez visiter la bibliothèque avec un groupe ? » au lieu de « L’animateur est invité à découvrir la bibliothèque avec son groupe » ; « Les responsables de bibliothèques » au lieu de « les directeurs ».

2. Utiliser le « doublet ». Par exemple, écrire : « Exposition réalisée par les illustratrices et les illustrateurs des éditions xx » ; « Les usagers et les usagères », indiquer dans une offre d’emploi « Médiateur ou Médiatrice numérique »

3. Accorder les noms de métier et fonctions au genre de la personne concernée. Par exemple, « Nadia est cheffe de projet pour la Nuit de la lecture » ; « je suis assistante de conservation, agente de bibliothèque, conservatrice, animatrice … »

4. Utiliser l’accord de proximité. Exemple : « Les traducteurs et les traductrices sont compétentes »

Accessibilité et marqueurs typographiques

L’écriture inclusive privilégie également l’emploi de points, tirets etc. pour marquer les deux genres d’un mot. Ces marqueurs typographiques sont critiqués car ils pourraient perturber la lecture, notamment pour les dyslexiques, les personnes aveugles ou malvoyantes utilisant des logiciels de synthèse vocale, ou les personnes en apprentissage ou en difficulté avec la langue écrite. De plus, nous avons peu l’habitude de les voir utiliser, cela provoque donc de prime abord de nombreuses réticences.

Nous défendons donc l’utilisation de marqueurs typographiques avec parcimonie, en privilégiant les autres formes d’écriture inclusive lorsque cela est possible. Nous utilisons souvent sur le blog légothèque le format « les enseignant-es » (également utilisé par la Ville de Lyon), mais il existe une multitude d’options possibles.

Il est toutefois important de souligner que marqueurs typographiques et accessibilité ne sont pas forcément incompatibles.

Concernant la dyslexie, certains marqueurs typographiques permettraient au contraire de faciliter la lecture. Concernant la synthèse vocale, des solutions existent.

Boris Schapira, développeur web, évoque dans son article « Mon propre guide d’écriture inclusive » des solutions de développement web rendant accessible aux logiciels de synthèse vocales l’utilisation des points médians.

« Parce que l’inclusivité inclut aussi le handicap, je ne souhaite pas que la graphie particulière du point médian ne gêne les utilisateurs et utilisatrices d’une synthèse vocale. J’ai donc décidé de « décoré » ces extensions inclusives d’un élément span ayant l’attribut aria-hidden="true" par le biais de mon plugin de correction microtypographique pour Jekyll. »

Vincent Valetin, développeur également, propose une synthèse sur l’accessibilité des graphies de l’inclusivité.

Recommandé par nos collègues de la commission accessibib, l’article « Langage non genré et accessibilité« , de Sylvie Duchateau, médiatrice en accessibilité numérique, insiste également sur le fait qu’ »un lecteur d’écran performant est un outil que l’on peut personnaliser »!

De manière générale, comme l’écrit  Sylvie Duchateau, »Lorsqu’une convention de rédaction non genrée sera établie, les habitudes se feront et il sera ensuite possible de trouver la façon la plus appropriée de gérer cette écriture avec un lecteur d’écran. En attendant, les débats restent ouverts ! »

Merci à Marie-Noëlle Andissac, Françoise Martinelli, Claire Zuliani et Boris Schapira pour les informations transmises !


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Commentaires

9 réponses à “Recommandations pour une écriture inclusive et accessible”

  1. […] H., « Recommandations pour une écriture inclusive et accessible », le 7 novembre 2017 sur […]

  2. […] pour une communication publique sans stéréotype de sexe via une une écriture inclusive : ce billet sur notre blog vous donnera une idée des enjeux liés à ces […]

  3. […] humaines, mettre en place une politique de prévention, appliquer le pouvoir disciplinaire, promouvoir une communication sans stéréotype de sexe, […]

  4. […] avons discuté, débattu, argumenté (la question de l’accessibilité, par exemple, mérite que l’on se penche dessus, donc nous l’avons fait). Nous en avons déterminé qu’il ne s’agissait pas de […]

  5. Avatar de borisschapira

    Bonjour ! Mon site a changé de domaine. La bonne adresse n’est donc plus sur borisschapira.com mais sur https://boris.schapira.dev/notes/2017-10-mon-propre-guide-d-ecriture-inclusive/.

    1. Avatar de maxenceheitz
      maxenceheitz

      Merci beaucoup pour l’information, c’est modifié !

  6. […] santé publique doivent par exemple chercher à être comprises par tous et toutes. Ainsi, selon les Recommandations pour une écriture inclusive et accessible (Legothèque, 2017) « en matière d’inclusion, il est important de prendre tout le monde en […]

  7. […] années après un premier article sur les enjeux et les modalités de l’écriture inclusive, la commission Légothèque revient […]

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