Retour sur la bibliothèque vivante Questions de genre

Chose promise, chose due : voici un retour sur la bibliothèque vivante du congrès ABF de Strasbourg !  Cet atelier était proposé par Légothèque en partenariat avec la médiathèque Olympe de Gouges de Strasbourg et la Commission à l’égalité femmes-hommes de la Ville de Strasbourg.

Une bibliothèque vivante, qu’est-ce que c’est ?

Pour commencer, un petit rappel sur le concept de la bibliothèque vivante (initié-es, passez ce paragraphe !).

Une bibliothèque vivante fonctionne comme une bibliothèque classique : il s’agit d’emprunter un livre pour une durée déterminée, de le lire et de le rapporter à la bibliothèque. À la différence que les livres sont des êtres humains, représentant des groupes fréquemment soumis à des préjugés. La bibliothèque vivante se déroule généralement sur une demi-journée. Il s’agit de discuter environ 15 à 30 minutes avec l’un des « livres vivants » qui évoque son parcours, raconte une facette de sa vie ou de son métier et répond aux questions de la personne l’ayant « emprunté ».

Créée en 2000 au Danemark par l’association Stop the violence, la bibliothèque vivante est une manière innovante de promouvoir le dialogue et l’ouverture à l’autre. Ce moment d’échange permet de rencontrer des personnes que l’on n’aurait jamais osé aborder auparavant, ou de discuter de sujets que l’on a du mal à comprendre.

« Ne jugez pas un livre à sa couverture » - CC by 2.0 University of Essex
« Ne jugez pas un livre à sa couverture » – CC by 2.0
University of Essex

Un concept un peu surprenant de prime abord …

Le fait d’ « emprunter un humain » peut surprendre, on peut avoir d’abord l‘impression d’avoir à faire à un zoo humain … Mais le but de la bibliothèque vivante est au contraire de lutter contre la stigmatisation. L’idée est d’interpeller les personnes sous une forme un peu provocante, et de les amener à s’interroger sur leurs préjugés, en passant par une discussion interpersonnelle.

C’est une façon ludique d’aborder des questions qui peuvent être un peu délicates (comme l’orientation sexuelle ou la prostitution sur cette bibliothèque vivante par exemple).

Le concept de bibliothèque vivante est encadré par des règles éthiques (que l’on retrouve dans la charte de l’ONG Human Library, qui regroupe les fondateurs-trices des premières bibliothèques vivantes) :

  • Les « livres vivants » sont toujours volontaires et bénévoles
  • La bibliothèque vivante est toujours gratuite d’accès
  • La bibliothèque vivante s’organise en dehors de tout but commercial, idéologique ou politique

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Le Conseil de l’Europe promeut l’organisation de bibliothèques vivantes comme un outil efficace de lutte contre les discriminations, et a édité un guide de l’organisateur de bibliothèque vivante reprenant les principes et les éléments pratiques d’organisation d’une bibliothèque vivante.

Les bibliothèques vivantes ne sont pas toujours organisées dans des bibliothèques. Les premières ont été proposées dans des festivals de musiques, d’autres sont organisées dans des universités, dans des écoles ou dans différents lieux publics. Mais la bibliothèque est aussi un lieu propice à l’installation de bibliothèques vivantes, car c’est un lieu public ouvert à tous et toutes, et souvent un lieu de confiance. Cela permet aussi de travailler la place de l’oralité dans les bibliothèques.

Une bibliothèque vivante au congrès de Strasbourg pour sensibiliser les collègues bibliothécaires

CC BY Charlotte Hénard
CC BY Charlotte Hénard

L’objectif de la bibliothèque vivante Questions de genre était double :

1/ Promouvoir le concept de la bibliothèque vivante, relativement peu connu en France, comme un outil efficace de lutte contre les préjugés, pour proposer aux collègues d’en monter dans leurs bibliothèques. Cet objectif semble rempli, de nombreux-euses congressistes sont reparti-es et avec pour projet d’en proposer dans leurs établissements.

2/ Proposer aux bibliothécaires de se confronter à leurs propres stéréotypes et de s’informer sur les questions de genre, en s’appuyant sur les actions et les partenaires de la médiathèque Olympe de Gouges et de la ville de Strasbourg. Strasbourg est signataire de la charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, et a mis en œuvre un plan d’action pour l’égalité. La création de l’espace égalité de genre de la médiathèque Olympe de Gouges s’inscrit dans ce cadre. Comme le congrès se tenait cette année à Strasbourg, il semblait intéressant à Légothèque de valoriser les actions locales sur les questions de genre.

L’organisation de la bibliothèque vivante Questions de genre

  • La répartition des tâches

Légothèque a proposé à la médiathèque Olympe de Gouges de travailler en partenariat sur l’organisation d’une bibliothèque vivante.

La médiathèque Olympe de Gouges s’est chargée d’organiser la bibliothèque vivante en tant que telle, en lien avec la Commission à l’égalité entre les femmes et les hommes de la ville de Strasbourg.

Légothèque s’est chargée de la communication (communiqué de presse, dépliant), de l’organisation sur place : accueil, information, inscriptions, et de l’évaluation. 7 légothécaires ont travaillé à la préparation, 5 légothécaires étaient présent-es pour l’organisation le jour J.

dépliant

L’ABF a apporté une contribution pour les aspects pratiques (disposition de la salle, location de mobiliers spécifiques).

Parallèlement à la bibliothèque vivante, Charlotte Hénard, qui a organisé plusieurs bibliothèques vivantes à la médiathèque José Cabanis de Toulouse, a répondu aux nombreuses questions des congressistes sur ces expériences, dans une salle voisine.

  • Le choix des livres

Les « livres vivants » ont été identifiés après un appel lancé auprès des associations partenaires de la commission égalité de la Ville de Strasbourg. Plusieurs réunions ont été organisées par la médiathèque Olympe de Gouges avec les « livres vivants », afin de trouver les titres des différents livres, de constituer le catalogue, de préparer la bibliothèque vivante.

Passer par le biais d’associations locales est souvent un bon moyen d’identifier des « livres vivants », des bénévoles souhaitant donner de leur temps pour lutter contre les préjugés les concernant d’une manière ou d’une autre. Mais il n’est pas obligatoire de passer par des associations, certaines bibliothèques (Pierrevives par exemple, sur les arts urbains) lancent des appels à participation auprès de leurs publics, cela peut aussi très bien fonctionner.

  • Les titres
CC BY Charlotte Hénard
CC BY Charlotte Hénard
  • Because I’m a girl (Parce que je suis une fille)
  • Les dialogues du vagin
  • L’égalité femmes-hommes, défi inachevé de l’Europe.
  • Filles-garçons, l’Egalité est-elle en action ?
  • Féministes en 2015 ? Mais qu’est-ce qu’elles veulent encore ?
  • Manuel à l’usage des directeurs-trices: inclure une commande politique « égalité de genre » dans le fonctionnement d’une médiathèque
  • Bibliothécaire ou militant ? Egalité hommes / femmes : comment informer en médiathèque ?
  • Du bon usage des combats féministes dans une collectivité : recettes, conseils et avertissements d’une chargée de mission
  • Ne dites pas à mes voisins-es que je suis bibliothécaire : je gère un pôle d’excellence sur le genre
  • Portrait de groupe avec femmes, elles racontent…
  • Lesbo/haine. Etre lesbienne aujourd’hui en France et dans le monde
  • Contes et légendes des violences ordinaires
  • Parler pour ne plus subir et exister, une histoire d’égalité
  • Prostitution: un autre regard
  • Abolition de la plus vieille exploitation des hommes sur les femmes : un défi pour le 21ème siècle !
  • Le genre s’anime : accueillir le jeune public
  • Les associations participantes

Plusieurs associations se sont portées volontaire pour participer : Le Planning familial, SOS femmes solidarité, Osez le féminisme 67, La Lune, PLAN international , le mouvement du Nid.

Plusieurs bibliothécaires de la médiathèque Olympe de Gouges, ainsi que la chargée de mission a l’égalité de la Ville de Strasbourg se sont également portées volontaires.

  • Le calendrier

Légothèque a commencé à discuter du projet avec la médiathèque Olympe de Gouges fin 2014, le projet a été validé par les élues et la direction des médiathèques de Strasbourg courant février 2015, l’appel aux associations a été lancé en avril, les 17 livres vivants ont été identifiés début mai. Il y a ensuite eu plusieurs réunions de préparation organisées à Strasbourg, et plusieurs réunions en visioconférence côté Légothèque. La bibliothèque vivante s’est déroulée le 13 juin 2015.

  • Le budget

Les « livres vivant » interviennent toujours de façon bénévole.

De manière générale, un budget est nécessaire pour assurer le confort des livres vivants : repas, boissons, éventuellement location de mobilier spécifique (l’ABF a loué des tables hautes et tabouret pour le congrès, mais ce n’est généralement pas nécessaire en bibliothèque) et créer un cadre propice à l’échange. Un budget peut être nécessaire pour les documents de communication, l’impression du catalogue, la réalisation des fiches cartonnées et du panneau de présentation du catalogue, l’achat du livre d’or, même si différentes fournitures peuvent faire partie du budget courant de la bibliothèque. Le temps de préparation est enfin important et mobilise du personnel en amont, pendant et après l’évènement.

  • Le bilan

Une quarantaine de congressistes ont discuté durant 15 minutes avec l’un des 16 « livres vivants » proposés, qui a évoqué son parcours, raconté une facette de sa vie ou de son métier, en lien avec les questions de genre, et répondu aux questions de la personne l’ayant « emprunté ».

CC BY Charlotte Hénard
CC BY Charlotte Hénard

La bibliothèque vivante a suscité beaucoup d’enthousiasme, tant chez les « emprunteurs » et « emprunteuses » que chez les livres vivants. Les commentaires laissés dans le livre d’or, et les réactions sur le moment ont été très positives, et plusieurs collègues repartent avec l’envie de proposer des bibliothèques vivantes dans leurs structures …

Pour aller plus loin …

La couverture ne fait pas le livre ! Le guide de l’Organisateur de la Bibliothèque vivante, Éditions du Conseil de l’Europe, 2006
La Bibliothèque vivante, mémoire de Mathilde Dumaine, Mathilde Dumaine, sous la direction de Raphaëlle Bats, mémoire d’études ENSSIB, 2014

L’album photos Flickr de Charlotte Hénard

Vous retrouverez prochainement un chapitre « Bibliothèque vivante » dans la rubrique « nos outils » de ce blog, pour accéder notamment au dépliant explicatif réalisé par légothèque.

N’hésitez pas à nous informer si vous organisez une bibliothèque vivante dans votre bibliothèque et à nous solliciter pour plus d’informations via legotheque@gmail.com ou dans les commentaires de cet article !

Merci à toutes les personnes qui ont participé à ce projet : Anne Dive, directrice de la médiathèque Olympe de Gouges, et son équipe, Bernadette Geisler, chargée de mission à l’égalité femmes-hommes de la Ville de Strasbourg, Charlotte Hénard, de la médiathèque José Cabanis de Toulouse, Olivia de la Panneterie de l’ABF, les légothécaires impliqué-es sur ce projet : Sophie Agié, Thomas Chaimbault, Thomas Colombera, Thierry Fouillet, Gérald Loye, Audrey Michelson, , Florence Salanouve, et tous les livres vivants !

Commentaires

5 réponses à “Retour sur la bibliothèque vivante Questions de genre”

  1. […] du dernier congrès de l’ABF, le groupe Légothèque a organisé une « bibliothèque vivante » (où l’on « emprunte &raqu… et une rencontre autour du pluralisme des […]

  2. […] Retour sur la bibliothèque vivante Questions de genre […]

  3. […] lutter contre les stéréotypes et préjugés au sein de la cité. Il s’agissait de revenir sur l’expérience d’organisation d’une bibliothèque vivante (« living library &ra…. L’enjeu était de montrer dans quelle mesure cet événement constituait un outil innovant, […]

  4. […] La Bibliothèque vivante est un outil efficace pour lutter contre les stéréotypes. […]

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