A l’origine, le projet crocodiles est un Tumblr (projetcrocodiles.tumblr.com), où l’auteur, Thomas Matthieu, raconte en dessins le témoignage de femmes victimes de harcèlement de rue. Son parti pris ? Dessiner les femmes de manière réaliste, c’est à dire avec un visage humain, et dessiner les hommes sous les traits d’un crocodile. Ce parti pris, Thomas Matthieu l’explique à la fois dans le livre, mais aussi dans un article paru il y a un an sur le site de l’Obs et dont nous reproduisons ici certaines citations: « Tous les personnages masculins de ces histoires, pacifiques ou agressifs, sont représentés comme des crocodiles. Mais Thomas Mathieu l’assure : « Tous les hommes ne sont pas des prédateurs ». « J’aurais pu dessiner des hommes en hommes et dire que les autres sont des cas isolés. Mais je ne crois pas en une frontière nette entre le mec bien et le crocodile macho ou agresseur. Ce n’est pas mon rôle de juger où se situent les niveaux de gris, je laisse cette liberté-là au lecteur. » »
Prenant de l’ampleur, le projet a migré dans sa forme, en devenant un livre publié aux éditions Le Lombard, mais également une exposition.
Le livre, dont vous pouvez retrouver une partie de l’introduction dans cette note du tumblr, comporte à la fois des histoires illustrées, mais aussi des post-faces de figures emblématiques d’Internet, qui ont déjà pris position sur le sujet et dont nous avons pu déjà parler au sein de Légothèque (dans notre Diigo par exemple).
Quant à l’exposition, elle fait partie d’une initiative lancée par la mairie de Toulouse concernant les violences faites aux femmes, et devait prendre place dans un square, au milieu d’autres illustrations. Si cette initiative sort aujourd’hui (voir ici et là), c’est que certaines planches ont été jugées « dérangeantes » par une élue, qui a demandé le retrait du projet dans l’exposition. Le contexte du montage de l’exposition n’étant pas tout à fait clair, et si l’on peut s’interroger sur l’opportunité d’une telle action de retrait, aussi soudaine a priori, il est aussi important de s’interroger sur la représentation d’une réalité pas toujours acceptée dans l’espace public. Se voiler la face par rapport à la place des femmes dans la société, et les libertés observées chez certains hommes qui ne considèrent les femmes qu’à hauteur de leur tenue et/ou de leur sex-appeal, c’est nier un sentiment d’insécurité vécu au quotidien par des femmes, majoritairement. La journée des violences faites aux femmes, qui a lieu le 25 novembre chaque année, est un élément de communication qui permet de mettre en avant la réalité de comportements observés dans la société d’aujourd’hui.
Si Legotheque en parle aujourd’hui, c’est aussi parce que, potentiellement, le livre peut être présent sur les rayonnages des bibliothèques, et que sa place peut, au même titre que d’autres ouvrages, être remise en cause car, une fois de plus, le livre montre ce qu’il ne faut pas voir, ce qui n’existe pas.
Les bibliothèques, et plus largement les institutions, ont un rôle à jouer dans la déconstruction des idées reçues sur ce genre de violence (ce que la bande dessinée fait très bien) et la libération de la parole. Mettre en images ces situations du quotidien, c’est aussi permettre une expression, pas toujours évidente, de comportements subis.
Pour en savoir plus:
– http://projetcrocodiles.tumblr.com/liens
– https://twitter.com/projetcrocodile
– https://www.facebook.com/notes/clef-bordeaux/lettre-ouverte-dune-militante-du-clef-face-a-la-censure-du-conseil-municipal-tou/1532486583663642?pnref=story
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