Souvent occultée, dispersée ou censurée, la mémoire des lesbiennes, gays, bisexuel/les et transsexuel/les (LGBT) doit bien souvent sa conservation à des associations militantes. Primordiales dans la reconnaissance de l’histoire des LGBT, dans une démarche de construction de soi, d’inclusion et de lutte contre les stéréotypes, il parait essentiel que les archives et les bibliothèques LGBT associatives puissent s’adosser à des institutions publiques.
Cet été, l’Europride, grand évènement international LGBT, se tenait à Marseille et consacrait une après-midi à la question des archives et des centres documentaires LGBT en France, en Europe et aux Etat-Unis. L’évènement, organisé par Christian de Leusse, s’est tenu le 17 juillet 2013 aux Archives départementales des bouches-du-Rhône. Trois initiatives, italienne, américaine et néerlandaise, ont retenu l’attention de Légothèque …
La bibliothèque du Cassero di Bologna
En 1982, Bologne est la première ville italienne a accueillir un centre LGBT : le Cassero. Créée en 1993 au sein du Cassero, la bibliothèque est constituée d’un fonds d’archives de 14 000 livres, de nombreuses vidéos et photos et de coupures de presse. Trois catalogues sont accessibles en ligne : le catalogue des livres et des vidéos, le catalogue des périodiques et le catalogue des posters et flyers numérisés, que l’on peut télécharger et consulter de n’importe où dans le monde. La bibliothèque est ouverte 43 heures par semaine, et organise des conférences, des rencontres et des expositions.
L’utilité de l’association est aujourd’hui reconnue pour les LGBT mais aussi pour toute la population. Ainsi, un atelier d’écriture créative pour les enfants sur le thème de la tolérance fonctionne très bien, et attire aussi des parents hétérosexuels. La bibliothèque du Cassero est la plus ancienne et une des plus grandes bibliothèques LGBT d’Europe, et est utilisée par de nombreux chercheur/es et étudiant/es.
Le rôle de cette bibliothèque est d’autant plus important qu’il est difficile d’obtenir des informations sur les LGBT en Italie, notamment dans les librairies, dans un contexte où le mariage et l’adoption ne sont pas reconnus pour les couples de même sexe, et où aucun facteur aggravant n’existe dans la loi italienne pour condamner les agressions homophobes.
Le GLBT History Museum de San Francisco
Le Musée LGBT de San Francisco, structure de 150 m² ouverte en 2011, est une des premières institutions en son genre. Le musée a notamment été insiré par « The institute for sexual science », créé à Berlin en 1919 par Magnus Hirschfeld, qui a marqué l’apparition des LGBT dans un musée pour la première fois (il fut détruit pas les nazis en 1933).
L’objectif du musée était à la fois de combattre l’invisibilité généralisée de la mémoire LGBT en l’inscrivant dans l’environnement urbain, et de travailler sur des formes de médiation des archives s’adressant à un large public. L’initiative semble couronnée de succès, puisque le musée attire 15 000 visiteurs par an, dont 75% de touristes.
Homodok-IHLIA aux Pays-Bas
IHLIA dispose d’un centre de ressources : Homodok, au 6eme étage de la Bibliothèque publique d’Amsterdam (l’OBA).
Fondée en 1978 par des étudiant/es pour rendre accessible pour le plus grand nombre du matériau LGBT, la collection d’IHLIA compte aujourd’hui 130 000 livres et affiches, attire 4 000 visiteurs par an et constitue un des principaux fonds d’archives LGBT en Europe. Le fonds est accessible pour toutes personnes intéressées par l’histoire LGBT et un service de recherche personnalisée est proposé. Des étagères roses rassemblent le canon de la littérature LGBT des Pays-Bas, fictions et documentaires. Le référencement représente un travail très important d’IHLIA.
Initiative intéressante, l’IHLIA a également édité en 2013 un thésaurus international des termes LGBT, Homosaurus, pensé pour être un outil de stimulation de la recherche et pour faciliter le travail des chercheurs et chercheuses du monde entier. Homosaurus est accessible en néérlandais et en anglais.
De nombreuses structures associatives en France pour conserver la mémoire LGBT
Le « fonds pour la mémoire » de l’association AIDES, les balayeuses centre archivistique LGBT, l’Académie Gay et Lesbienne, l’Observatoire des transidentités, la bibliothèque du centre LGBT du centre Paris Île-de-France, les Archives recherches cultures lesbiennes conservent ainsi des archives LGBT. Le centre de ressources sur le genre, ou Point G de la bibliothèque municipale de Lyon, se distingue quant à lui par son positionnement dans une bibliothèque institutionnelle, garantissant aux archives qui le composent de bonnes conditions de conservation.
Jacqueline Hirsch, directrice des archives départementales des Bouches-du-Rhône, a assisté à l’ensemble des débats et a fait part de son intérêt pour les nombreuses initiatives existantes en France et à l’étranger pour conserver la mémoire LGBT. Elle a également évoqué ses inquiétudes quant à la pérennité des archives dans les milieux associatifs, et s’est montrée intéressée par le cas lyonnais, rappelant le rôle de conservation du patrimoine local des bibliothèques municipales classées. En effet, la mémoire LGBT fait aussi partie de l’histoire commune locale.
N’hésitez pas à nous faire part d’initiatives similaires !
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