Une France normale…

Normal, adjectif le plus banal qui soit, devenu le point de ralliement des soutiens du président François Hollande. Une vie normale, c’est-à-dire une vie avec ses joies et ses tristesses, ses espoirs et ses désillusions, mais débarrassée enfin des stigmates du rejet des différences et de la haine.

Un rapport alarmant

Autant dire qu’à la lecture du 17e rapport sur l’homophobie, rendu public le 14 mai dernier par l’association SOS-homophobie, on est loin du compte.

Le contexte des débats autour du projet de loi du mariage pour tous, adopté le 23 avril dernier, a manifestement ouvert la voie à de nombreux actes de rejet et de haine. Bien entendu, la collecte de ces témoignages, ainsi que l’analyse de la presse et de l’actualité ne donnent pas une idée de la réalité de l’expression de l’homophobie. Combien d’actes non signalés simplement parce qu’on ne sait pas où s’adresser ou parce que l’on a peur ?

Chronique de la haine ordinaire

Entre 2012 et 2013, le nombre de témoignages reçus par l’association a augmenté de 27% (au total, 1977 cas ont été traités). Il a fallu également modifié les catégories sous lesquelles sont classés ces témoignages. L’ajout de la gayphobie1 et de la biphobie2 a été rendu nécessaire.

Allons dans le détail de ces chiffres sordides : 59% des cas recensés ont comme victime des hommes, 28% des victimes ont entre 35 et 50 ans. L’Ile-de-France, le Rhône sont les régions les plus représentées. Mais qu’en est-il de l’homophobie à la campagne ?

La grande majorité de cette explosion de haine s’exprime par des insultes. Les agressions physiques représentent 8% des cas, certes en baisse de près de 20% par rapport à 2011. Et c’est peut-être le seul indicateur un peu optimiste. Mais leur intensité reste problématique.

2014 : catastrophe annoncée

Il y a fort à parier que le rapport qui sortira en mai 2014 sera encore plus catastrophique. Malheureusement…Car le nombre d’appels reçus par l’association en décembre 2012 par rapport à décembre 2011 a été multiplié par 3. Or, c’est à partir de novembre 2012, que le gouvernement a présenté son projet de loi sur le mariage pour tous. …

Les lieux publics, le proche entourage, mais aussi les lieux de travail et l’école représentent la majeure partie des endroits où se produisent ces agressions verbales et physiques.

On mesure alors tout le chemin qui reste à parcourir pour que la vie des personnes LGBT soit normale…L’égalité des droits est une revendication à maintenir, la prévention de l’expression de toutes les formes d’homophobie un travail de longue haleine, qui ne peut réussir sans l’engagement des pouvoirs publics.

De la bibliothèque comme lieu de déconstruction

Ce qui frappe également à la lecture de ce rapport, c’est la représentation erronée des agresseurs. Il n’est pas exclu que certains comportements haineux renvoient les agresseurs à leur propre histoire. Mais il est également vrai que cette idée de l’Autre est une construction où école, médias, famille interagissent fortement. Les bibliothécaires ont un rôle – je suis tenté d’écrire un devoir – à faire valoir dans la lutte contre les stéréotypes : les bibliothèques doivent s’affirmer comme des lieux où l’information circule, où les débats doivent avoir lieu, des lieux, enfin, où l’intelligence retrouve ses droits. Cela implique donc que la bibliothèque n’est pas un lieu neutre comme le répète inlassablement et majoritairement la profession : c’est un lieu politique.

Jérôme Triaud

1 Homophobie dirigée spécifiquement vers les homosexuels

2 Négation de la bisexualité comme orientation sexuelle à part entière


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