Introduction aux études sur le genre

Introduction aux études sur le genre, De Boeck, 2012
Introduction aux études sur le genre, De Boeck, 2012

Bereni (Laure), Chauvin (Sébastien), Jaunait (Alexandre), Revillard (Anne), Introduction aux études sur le genre, coll. Ouvertures politiques, De Boeck, 2e éd., 2012, 357 p.

L’ABC du genre

De Boeck publie un livre passionnant (que d’autres appelleraient « pour les nuls ») sur les études de genre. Cet éditeur universitaire ne doit pas rebuter les lecteurs qui ne connaitraient rien au sujet. Au contraire, voilà un ouvrage bien construit et bourré d’exemples concrets qui permettent à tout un chacun de se rendre compte par soi-même de la réalité du sujet. Et puis l’éditeur a pris soin de recouvrir le livre d’une jaquette illustrée, ce qui permet de joindre l’agréable à l’utile.

Que vous soyez au fait de la question ou non, l’introduction vous permettra de comprendre de quoi parle l’ouvrage. Des définitions y sont développées et surtout les auteurs présentent le champ actuel de la recherche sur le genre, et leurs partis pris. Un livre tout en finesse, contrairement au résumé qui suit, forcément réducteur.

Un ours, une souris

Les bibliothécaires et les médiateurs du livre les plus pressés iront directement au chapitre 3, « genre et socialisation ». On y trouve en effet de nombreuses informations sur le genre des objets et contenus culturels. Les livres pour enfants sont analysés depuis les années 1970, avec un renouveau récent (cultural studies). Les études les plus importantes sont citées et résumées. On apprend ainsi (étude de Anne Dafflon Novelle) que si les personnages des livres pour enfants sont moins stéréotypés que par le passé, ils sont toujours différenciés par le sexe. Dans les livres pour les moins de 3 ans, les héros sont deux fois plus souvent de sexe masculin. Parmi les personnages animaux : les animaux masculins sont statistiquement de gros animaux (loup, ours…), les féminins des petits (coccinelle, souris…) (je sais, Ernest est un ours, Célestine une souris, et Ernest et Célestine un chef d’œuvre ; il s’agit là de macro-sociologie). Dans la manière de les dessiner, on remarque que les animaux masculins sont neutres (image standard de l’animal), alors que les animaux féminins portent des attributs (cils longs, lèvres rouges…).

Fables de La Fontaine, précédées de la Vie d'Ésope le Phrygien, illustrées par Hadamard,  Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, YE-25073
Fables de La Fontaine, précédées de la Vie d’Ésope le Phrygien, illustrées par Hadamard, Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, YE-25073

Les femmes n’ont pas de cerveau

Quant aux livres documentaires pour enfants (étude de Christine Détrez), les éditeurs se livrent à un travail de construction biologique du genre, reproduisant une vision hiérarchisée et essentialisée de la différence des sexes. Dans les images d’anatomie, le corps des hommes sert à montrer les muscles, celui des femmes les réflexes et l’exécution du cerveau (digestion, système hormonal). Le cerveau se trouve 12 fois sur 13 décrit dans un corps masculin.

Cause toujours, moi je lis

La recherche actuelle dépasse l’étude des contenus culturels. En effet, les études culturelles montrent comment les œuvres sont perçues, quelle que soit leur qualité. Janice Radway (Etats-Unis) nous permet de dépasser nos préjugés sur la littérature « à l’eau de rose » (voir l’article sur Viviane Albenga). En France, Christine Détrez s’est intéressées aux adolescent.e.s lisant des mangas. En dépit de l’encadrement éditorial (shojos pour les filles, shonens pour les garçons), les adolescent.e.s déplacent parfois les normes de genre. Certaines filles lisent ouvertement des shonens, et se distinguent des filles lisant des shojos (qu’elles considèrent comme « niais »). Les garçons lisent les shojos nonchalamment, pour voir, sans les acheter. Certains lisent les shonens pour la qualité psychologique et humaine des personnages (argument plutôt attendu sur les shojos).

La socialisation de genre en pratique

Les pratiques culturelles sont fortement sexuées à l’adolescence. Non seulement les pratiques culturelles sont distinctes (intérêt des filles pour la vie des stars, intérêt des garçons pour les jeux vidéos), mais elles sont hiérarchisées. Dès l’adolescence, les garçons dénigrent les pratiques culturelles des filles. L’exemple donné de la féminisation du hip-hop est édifiant.

L’ouvrage se poursuit avec un chapitre sur genre et travail, et un autre sur la politique.

Thierry Fouillet


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Commentaires

6 réponses à “Introduction aux études sur le genre”

  1. Avatar de Bouille
    Bouille

    Belle découverte, j’achète ! Merci pour le tuyau !

  2. Avatar de Ariane Beldi

    Reblogged this on Rewinding Ariane's thread | Rembobinage du fil d'Ariane and commented:
    Un ouvrage qui pourrait être utile à consulter avant de lyncher la « théorie » de genre.

  3. […] Si les sexes présentent des caractéristiques à peu près constantes à travers le temps et l’espace (partout dans le monde et de tout temps, les femmes ont  eu un vagin et les hommes un pénis), les genres changent en fonction des époques et des sociétés (source : http://antisexisme.net/tag/theorie-du-genre/, et pour plus d’informations, on lira avec intérêt ce billet). […]

  4. […] outre qu’il faudrait qu’il s’enfonce dans le crâne que la théorie du genre n’existe pas, elle n’a jamais été enseignante à l’Université de Genève. Au mieux, elle est […]

  5. […] outre qu’il faudrait qu’il s’enfonce dans le crâne que la théorie du genre n’existe pas, elle n’a jamais été enseignante à l’Université de Genève. Au mieux, elle est […]

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